Chapitre 12 - Nina

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Le lendemain, je pars au salon un peu à reculons. Je n'aime pas cette sensation et cette situation. J'ai besoin de retrouver mon ami à minima, de rire avec lui, de pouvoir discuter et savoir qu'on est toujours là l'un pour l'autre comme durant ces 2 dernières années.

Quand j'arrive au salon, je salue Fabrice et Benjamin qui sont déjà arrivés, comme toujours. Le salon appartient à Mickaël, mais Benjamin endosse une partie de son rôle de propriétaire en gérant l'ouverture le matin. Ils sont là depuis près de 10 ans, le salon est leur deuxième maison.

– Salut, les gars.

– Ça va, Nina ?

Je ne réponds pas, cherchant Mickaël du regard. Mais je ne le trouve nulle part. Mon estomac se contracte d'inquiétude.

Est-ce qu'il s'est passé quelque chose ?

Est-ce qu'il est malade ?

Fabrice se rapproche de moi et m'annonce d'un ton calme :

– Mickaël va arriver plus tard.

Il est peut-être rentré accompagné. Cette idée me donne un haut-le-cœur.

– Il est...

– Il a pas mal bu hier soir, il n'était pas dans son assiette après que tu sois partie.

Mon cœur se serre.

– Il avait l'air bien pourtant.

– Il s'est refermé d'un coup et après on a pas mal picolé.

Avant que je puisse dire quoi que ce soit, Benjamin vient nous rejoindre.

– Est-ce que toi ça va, Nina ?

– Je...

Je devrais dire oui, dire que tout va bien, que je suis juste fatiguée, mais je n'y arrive pas. Les mots restent bloqués dans ma gorge.

– Viens.

Fabrice prend ma main et me force à m'assoir dans le canapé. Je ne me suis même pas encore débarrassée de mon sac et de mon casque. Mais je le suis. Benjamin s'assoit en face de moi sur un tabouret et m'adresse le même regard compatissant que Fabrice.

Je suis si transparente ? Ça se voit à ce point que je me sens mal.

– Tu veux en parler ? Je sais qu'on n'est pas des filles, mais on peut parler de trucs de filles si tu veux.

– Si c'est à cause d'un gars...

Je hausse les épaules, essayant de cacher mon embarras. Je ne peux pas leur en parler, je ne peux pas les mettre au milieu de ça. Même si je ne sais pas très bien comment qualifier ce « ça ».

– Il n'y a pas grand-chose à dire. Je ne suis pas sure que le gars en question apprécierait que j'en parle.

Fabrice sourit et échange un regard avec Benjamin.

– C'est peut-être un signe qu'il soit pas encore arrivé alors.

– Vous...

Je reste bloquée en comprenant qu'ils ont compris pour Mickaël et moi.

– Vous savez...

– On sait qu'il y a un truc entre vous depuis longtemps.

– Comment ? je demande, surprise.

– On l'a vu dès les premières semaines où tu as commencé à bosser avec lui.

– Avec la première tresse que tu lui as faite, ajoute Fabrice.

– Ouais, la tresse. On a vu que vous n'aviez pas l'air de vouloir vous l'avouer, mais on pensait qu'une fois que tu serais pro vous alliez vous lancer.

Je peux entendre l'incompréhension dans sa voix. Mais ce n'est pas moi qui pourrais l'aider sur ce point, je n'y vois pas plus clair.

– Il ne veut pas, je murmure, sentant les larmes monter. Il dit qu'il perd tout ceux à qui il tient, mais je ne sais pas de quoi il parle, il ne veut pas en parler.

Un silence angoissant s'abat dans la pièce, je relève les yeux pour trouver mes deux amis muets qui se regardent. Ils ont l'air de discuter sans parler.

Ils savent.

– De quoi il parlait ?

Fabrice fait un signe de tête à Benjamin qui prend ma main dans la sienne. J'ai peur, qu'est-ce qu'il va m'annoncer ? Qu'il est malade ? Qu'il va partir ? Ma gorge se serre, mon cœur palpite.

– Il s'est marié à 23 ans, explique Benjamin. Sa femme est morte deux ans après, alors qu'elle portait son fils. Il les a perdus tous les deux et il ne s'en est jamais remis. Il n'a jamais pu avoir de vraie relation depuis.

Je retiens mon souffle, au bord des larmes. Jamais je n'aurais pu imaginer ça. Il n'en a jamais parlé, il n'a pas d'alliance, il n'a pas de photos même chez lui. Aucun indice ne pouvait me laisser penser ça. Je croyais être sa meilleure amie, mais pourtant j'ignore une grande partie de sa vie, de son passé, et visiblement c'est ce qui le retient.

– Et puis il y a eu Dan. C'était comme son petit frère. Il y avait une vraie fusion entre eux, comme toi et lui, mais sans... tu vois. Dan a eu une rupture douloureuse et il a disparu des radars. On l'avait pas revu jusqu'à hier. Mickaël l'a très mal vécu.

Mon cœur bat de plus en plus fort. Je comprends mieux maintenant pourquoi il a peur. Je suis bouleversée, j'ai du mal à parler. Ma voix tremble.

– Je ne savais pas pour sa femme et pour Dan, j'avoue à petite voix.

– Il n'en parle jamais, ajoute Fabrice. Même à nous.

– Laisse-lui un peu de temps, Nina. Il va revenir vers toi.

– Comment tu peux le savoir ?

– On le connait depuis 10 ans, il reviendra.

Je retrouve un peu d'espoir en entendant ces mots. Je veux croire qu'ils ont raison, mais je mesure maintenant l'ampleur de ce qui le bloque. Si ça devait ne pas marcher entre nous, même si je ne vois pas comment, il vivrait à nouveau ces deux situations, perte de sa femme et de son apprenti en même temps. Je ne suis pas sure qu'il puisse passer outre ça.

Mais je vais attendre etlui montrer que je serai là. Je n'ai aucune intention de partir, parce que jene veux pas vivre sans lui.


Tatoue-moi, Choisis-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant