Tatoue-moi, Choisis-moi

Chapitre 13 - Nina

Mickaël fait son apparition en début d'après-midi, ses yeux sont marqués par le manque de sommeil et ses traits tirés. Il me salue de loin, un sourire en coin qui ne parvient pas à dissiper l'air triste qui l'entoure. Je suis en plein milieu d'un tatouage, le dermographe vibrant dans ma main tandis que je travaille sur un dessin complexe d'un phénix s'élevant des flammes, symbole de renaissance et de résilience pour ma cliente. Un symbole qui résonne étrangement avec la situation actuelle.

Son air triste me serre le cœur, mais je sais que je ne peux rien faire pour le moment. Il a besoin de temps, et je suis prête à le lui donner. Même si je ne suis pas connue pour être patiente.

Après avoir terminé le tatouage, une pièce dont je suis fière et qui a illuminé le visage de ma cliente, je décide de m'approcher de Mickaël. Je veux juste lui tenir compagnie comme avant. Parler de tout et de rien, rire et partager des moments simples.

Je vais le rejoindre dans la salle à l'arrière du salon. Il est seul, j'entre sans faire de bruit. Mais quand je m'approche de lui, je le trouve absorbé par son téléphone, regardant d'anciennes photos. De sa femme, je suppose, je vois sa main trembler.

Mon cœur s'arrête une seconde. Je reste là, à regarder par-dessus son épaule l'image de la femme qu'il a aimée et perdue. Ça me fait mal. Pour lui, parce que je sens bien qu'il est au plus mal, et égoïstement pour moi aussi. Savoir qu'il a aimé une autre femme me torture même si je n'ai aucun droit d'en être jalouse. Je le sais. Au fond de moi, je le sais. Mais ce n'est pas plus facile pour autant.

Discrètement, je me retire et repars, le laissant seul avec ses souvenirs. Je suis envahie de tristesse de ne pas pouvoir le réconforter et l'aider, mais je suis en partie responsable de son état. Il est nécessaire que je lui laisse de l'espace. Il a besoin de guérir à son rythme.

Je me réinstalle à la place que j'occupais tout à l'heure et commence à nettoyer pour préparer mon prochain rendez-vous. J'ai un peu de temps, mais j'aime anticiper, et je n'ai rien de mieux à faire.

Une fois tout le matériel prêt, je commence à dessiner pour un tatouage prévu la semaine prochaine. Un autre phénix. Je vais devenir une spécialiste si ça continue, mais j'aime bien. Je crois que cette idée me plairait même.

Alors que je suis perdue dans mes pensées, mon téléphone s'anime. La musique de Dark Vador résonne dans le salon. Ma mère.

– Ça va, maman ?

– Ça va, je viens prendre des nouvelles vu que tu n'en donnes pas.

– J'étais occupée. J'avais un salon ce weekend et d'ailleurs j'ai une bonne nouvelle, je suis officiellement résidente au salon, je suis plus apprentie.

Je vois au loin Mickaël revenir dans la salle et s'installer au comptoir. Il me regarde du coin de l'œil, veillant au grain. Je ne suis pas sure qu'il entende ce que je dis, mais je suis sure qu'il sait à qui je parle. Il le sait toujours.

– Nina, combien de fois dois-je te le dire ? Cette passion pour les tatouages, c'est une chose, mais tu as besoin d'un vrai travail. Quelque chose de stable. Tu devrais rentrer et chercher un emploi sérieux.

– Maman, c'est un vrai travail ! C'est ma passion, et maintenant c'est aussi ma carrière.

– Tu ne t'es pas fait tatouer, j'espère ? Reviens avec nous. Ton père pourra t'aider à trouver un vrai travail.

– Je reviendrai pas, maman. Je te l'ai déjà dit.

– Tu as trouvé un fiancé ?

Malgré ma rancœur envers elle, je ne peux me retenir de sourire à cette question. Même si elle ne partage pas mes choix, elle continue de me demander comment je vais, contrairement à mon père qui reste silencieux.