Le Molosse

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 J'approchai lentement de la niche sous les nuages menaçants et l'air glacé du petit matin. 

Je grelottais à chaque courant d'air et frottais mes bras de mes paumes en fixant la minuscule cabane. Ce n'était pas grand chose, seulement plusieurs bout de bois rassemblés pour donner une vague impression de confort, mais je savais que le soleil ne tarderait plus à se lever.

Et avec lui les rayons chaleureux. 

  Je tâtonnais dans la quasi obscurité de la nuit voilée, jaugeant le sol à chacun de mes pas, et parvint finalement jusqu'à ce qui serait mon refuge provisoire. L'entrée en arche était si petite qu'il me fallut m'agenouiller, puis me mettre à quatre pattes pour y passer la tête. 

Tout était noir derrière l'étroit passage. Je dû forcer pour y faire entrer mes épaules, ondulant tel une anguille dans un bocal trop petit.

Je tournai la tête en scrutant l'intérieur lorsqu'un souffle souleva mes cheveux. Un grognement sourd m'avertit juste à temps. 

Reculant soudain, Je parvins de justesse à retirer mon visage au moment où une paire de canines acérées se refermèrent à quelques millimètres de mon nez. La niche était occupée, évidemment. Comment en aurait-il put être autrement? Personne de censé n'aurait gardé une telle épave dans son jardin, sans qu'elle ne soit habitée par un chien. 

Mais mon nouvel hôte était-il "censé"? 

Il n'y avait rien de moins sûr.

Je poussai sur mes genoux qui frottaient contre la pelouse humide et butais contre une masse dure dans mon dos lorsque le Rottweiler sortit, tout en muscles et en crocs, ses puissantes pates s'enfonçaient dans la terre humide à cause de son poids. 

Il me faisait face, grognant et menaçant.

Apparemment, il n'appréciait pas beaucoup de se faire réveiller en pleine nuit. Un timide éclat de lune éclairait ses gros yeux, ronds et sombres. Ses babines tremblaient et bavaient en vibrant sous ses grognements. 

D'instinct je baissai la tête comme pour planter mon nez dans la pelouse, en fléchissant mes bras pour approcher au maximum mon corps de la terre. J'étais si près de cette dernière que les odeurs d'herbes fraiches et humides envahissaient mes narines. J'avais presque l'impression de pouvoir sentir les vers de terre qui devaient se trouver là, quelque part sous mes doigts imprégnés de boue.

Ils étaient bien à l'abris, eux.   

Bientôt, le souffle chaud du molosse qui avait approché son museau du sommet de mon crâne, fit de nouveau vibrer mes cheveux. Une coulée de bave se déversa sur le haut de mon front et se mit à couler le long de ma joue, jusqu'à mon menton. Là, je la sentis se réunir en une seule et énorme goûte qui termina sa longue course en allant s'écraser au sol. Entre mes mains. Je ne bougeais pas, mais gardais une respiration neutre. 

Les animaux ressentent la peur. 

Pas moi. 

En revanche, je sentais la pluie qui commençait à envahir l'immense jardin. Très vite, mes vêtements furent détrempés au même titre que mes cheveux, puis ce fut mon corps tout entier. Je restai un long moment ainsi. Une dizaine de minutes, sans doute. Jusqu'à ce que le molosse accepte ma présence. J'avais l'habitude de côtoyer des animaux, souvent sauvages. 

Féroces, la plupart du temps. 

Je relevai mon visage dans sa direction lorsqu'il comprit que je n'étais pas son énemies, et je pu le détailler avec précision. Le Rottweiler avait la gueule creuse, le poil rêche et parsemé de tâches grises et de trous. Il était vieux et malade, aussi inoffensif qu'un mouton. Je le rassurai par des gestes lents et précis, tout en veillant à toujours rester plus basse que lui.    

L'Albinos (DARK ROMANCE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant