5. Antidote

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Un légionnaire zélé s'adressa aux deux hommes en leur barrant le passage.

— Identité ?

— Tribun Auguste Flavien, conquérant du Nord, vainqueur de la bataille de Barnatia, fils du Général Flavien. Je suis accompagné du Seigneur Juste Negenam, Mage médecin de Premier Ordre au service du Palais.

Le soldat ne semblait nullement impressionné, et consulta son parchemin d'un air sceptique. Dès que l'information fut vérifiée, il reprit son interrogatoire en scrutant les deux hommes :

— Que venez-vous faire dans les souterrains ?

Cette fois, Juste prit la parole, après s'être éclairci la voix :

— Administrer l'antidote aux Mutticas. Le Tribun Flavien m'accompagne pour ma sécurité.

Cela correspondait aux informations détenues par le soldat. Il acquiesça d'un signe de tête, s'écarta de leur passage, ouvrit la porte en métal et un autre légionnaire se chargea de les escorter le long d'un couloir aussi sombre que les précédents. Cette précaution était inutile, ayant déjà parcouru ce chemin maintes fois pendant des années, mais Juste ne fit aucun commentaire.

Les plaintes étouffées des jeunes Mutticas étaient de plus en plus perceptibles à mesure qu'ils approchaient. Ils arrivèrent devant un autel où trônaient plusieurs dizaines de carafes contenant l'antidote, ainsi que divers instruments médicaux et quelques parchemins. Le soldat tendit l'un d'eux à Juste : il s'agissait d'un registre comportant plusieurs noms.

— Voici la liste de celles qui ne devront pas bénéficier de l'antidote.

Juste haussa un sourcil et pencha légèrement la tête sur un côté, en s'emparant du parchemin.

— J'ignorais qu'il y avait une nouvelle pénurie d'atanevar. Le royaume d'Isvotuna a pourtant récemment renouvelé sa signature du traité d'approvisionnement. Quelle est la quantité d'antidote manquant ?

— Nous en avons largement assez, Seigneur Negenam.

Le légionnaire se tenait dans une posture figée, le regard fixant un point imprécis au-dessus de la tête de Juste. Celui-ci prit une grande inspiration avant d'insister :

— Je suis confus, soldat. Nous avons 527 enfants à soigner, soyez précis.

— Nous disposons de suffisamment d'antidote pour au moins six centaines de Mutticas. Mais le Prince Julius a donné ses directives, s'empressa-t-il d'ajouter à tout vitesse pour se justifier. Les familles des Mutticas sur ce parchemin, elles... elles sont dangereuses, elles ne respectent pas les conditions de la trêve, Seigneur Negenam.

Interloqué, le Mage se tourna vers Auguste. Le Tribun était-il au fait de cette sentence ? Celui-ci, adossé au mur, les bras croisés, se contenta de hausser les épaules.

— Je ne suis pas au courant, finit-il par lâcher sous le regard insistant de son ami.

Juste détailla les noms inscrits sur le registre, et déglutit avec peine. Il y en avait au moins une quarantaine. Sans l'aide du précieux breuvage, ces adolescentes allaient endurer de sévères symptômes, et certaines d'entre elles risquaient fort d'y succomber. La situation lui paraissait tellement aberrante qu'il craignait d'avoir mal compris.

— Êtes-vous en train de me dire que nous avons plus d'atanevar que nécessaire, mais que tous ces enfants en seront néanmoins privés ?

Le soldat acquiesça d'un vif signe de tête.

— Nous avons commencé à regrouper les Mutticas concernées dans la dernière cellule de la galerie sud, pour vous faciliter la tâche avec les autres.

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