Chapitre 14 : De retour

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Mars 2022.

***

10 ans que je n'ai pas posé les pieds sur le sol américain. Dix ans que je n'ai pas revu mon pays, celui que je me suis efforcée de défendre à des kilomètres de là. Dix ans que je n'ai pas vu New-York, ma famille, mes proches.

Et il s'en est passé des évènements depuis. J'ai vu, j'ai appris des choses dont je me souviendrai toute ma vie, dont je ne pourrai rien oublier, rien effacer. Mais comme me l'a dit mon commandant, ce sera mon fardeau pour le restant de mes jours, fardeau que je ne pourrai ni partager à des proches, ni à des psy vu la nature des missions que j'ai effectuées là bas. Non, je vais devoir me reconstruire toute seule, comme une grande et cette reconstruction passe aussi par ça, par le simple fait de revoir mes proches, dix ans plus tard, et de ne pas avoir peur ni de m'y attacher ni encore moins de les perdre.

Et pour l'occasion, pour mon retour, j'ai décidé de me rendre directement dans nos bureaux de New York, voir George et Ana, leur faire la surprise vu que mon départ a été avancé d'une semaine. Alors me voila, descendre de ce taxi, mon sac militaire sur le dos. Et c'est debout devant cet immense building vitré que je me tiens, droite, hésitante et légèrement dérangée par le bruit environnant des voitures, travaux et autres passant hurlant dans leur téléphone et communiquant entre eux. Le marteau piqueur à deux rues d'ici résonne dans ma tête, l'odeur des pots d'échappement s'engouffre dans mes narines... Mais je fais tout, absolument tout pour me concentrer sur une chose : ma famille est ici et je suis là pour les retrouver. Je suis en sécurité, tout le monde est en sécurité. Alors j'inspire, et j'avance.

La première chose que je remarque, c'est qu'en dix ans, il y a des choses qui ont changé. Le hall d'entrée me semble réaménagé. Initialement déjà, mes parents en avaient fait quelque chose de somptueux mais là, je dois dire que je suis bluffé. Et touchée aussi car un mémorial a été dressé pour mes parents, au centre. Une simple pierre noire, marbrée.

Je m'y avance et m'y plante devant. J'y lis quelques mots. ..

En l'honneur de Gara et Tom Woods qui ont su, au travers des années, faire de Woods and Toys, un paradis pour tous.

Puissions-nous nous revoir.

Machinalement et évidemment, mon coeur se serre... Je pose mes doigts sur la pierre froide et me recueille quelques instants, suffisamment pour retrouver au fond de ma mémoire un semblant de ce dont je me souviens d'eux. De leur sourire, de leur étreinte. Mais c'est difficile, mon cerveau est si chargé, si encombré...

— Excusez-moi ? Je peux vous aider ?

J'ouvre mes yeux qui s'étaient sans doute fermés quelques instants et regarde l'homme près de moi. Il est grand et musclé et me dévisage de haut en bas. Je peux le comprendre, j'suis encore en habit militaire, mon sac sur le dos et quelqu'un comme moi, n'a absolument rien à faire ici en réalité, dans une multinationale spécialisée dans le jouet. Et puis, je le vois regarder mon grade et se redresser, son air change passant d'une lassitude très marquée, à une sorte de profond respect.

— Major ! dis-il en ayant sans doute reconnu mon grade sur ma veste. Merci pour vos services rendus !

Sans doute un ancien militaire devenu agent de sécurité par la force des choses.

— Merci à vous...

— Ancien sergent Williams, Major.

— Vous pouvez m'appeler Alex, je ne suis plus en service.

— Bienvenue au pays alors, me dit-il avec un sourire sympathique. Est-ce que je peux vous aider ? L'accueil se trouve par ici, m'indique-t-il alors d'un geste du bras.

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