Chapitre 5 : Douce mélodie

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Été 2003.

***

    Je cours. Je cours depuis des heures, j'ai l'impression, entre des arbres de plus en plus étroits, dans une forêt de plus en plus sombre.

    Je n'ai pas vraiment choisi d'être là, d'être perdue, ici, dans ces montagnes. Je n'ai pas prévu de mourir de froid ou de faim. Au contraire, je voulais simplement jouer avec mes amis du village. "Un grand cache-cache" me disait Leo, "tu verras c'est marrant", me disait Lanah. Même mes parents semblaient heureux de nous voir tous ensemble. Enfin, je crois, c'est plutôt flou.

    J'ai peur. Peur de finir seule ici, dans la nuit qui approche à grand pas. Peur des animaux qui m'entourent, des chasseurs que j'entends tirer au loin, peur d'à peu près tout ce qui se trouve autour de moi. Mais je dois continuer de courir parce que je sais que quelque chose me suit. Je ne sais pas quoi, même si les grognements me font penser à un ours. Où en tout cas à quelque chose qui n'aura plus faim ce soir, s'il m'attrape.

    Je cours, je cours, je trébuche, je me relève et je cours encore et encore.

    — L...ex...

    Le son de sa voix, j'entends le son de sa voix. Je regarde à droite et à gauche mais rien, personne, rien, à part des arbres à perte de vue.

    Je continue encore et encore, manque de me prendre une branche dans la figure, la énième depuis le début de ma course, mais je continue.

    — Le...x

    Encore sa voix. Charlie ! Charlie ! Je crie son nom, je l'appelle pour savoir où elle se trouve, sans jamais m'arrêter. Charlie ?! Charlie où es-tu ?!

    — LEX !

    Et puis tout devient blanc. D'un seul coup, comme si le temps s'arrêtait, comme si en un instant, le brouillard, l'humidité de la forêt et ces sons de morceaux de bois craquant derrière moi disparaissaient. Il ne reste plus rien si ce n'est ce blanc. Ce blanc et mes muscles, engourdis par la peur.

    — Lex... Hey...

    Encore sa voix. Elle se veut rassurante, douce et bien plus claire qu'avant. Je l'entends mieux, elle est proche de moi.

    Et puis je sens mon visage se détendre et de la chaleur sur mon corps. Je sens une odeur enivrante, celle d'un mélange d'épices, de beurre, de gâteaux et de vanille.

    Mes paupières s'ouvrent. Doucement et avec beaucoup de difficulté. Comme si le poids de ce cauchemar pesait encore sur mon visage.

    La première chose que je vois, c'est cette lumière, d'un or chaud, traversant la pièce entre l'embrasure de mes volets. C'est cette sensation presque d'étouffement que l'on ressent en plein été lorsque le soleil est haut dans le ciel.

    Et c'est le cas, parce qu'on est mi-juillet, qu'il doit déjà faire 25°c dehors et que la couette que mamie Sophie m'a donnée hier soir pèse un âne et me protège contre le froid hivernal.

    Je me décide alors de retirer doucement l'ensemble de mes draps parce que je me sens transpirante et je sens manquer d'air. Alors je pousse sur mes bras pour me défaire de là. Mais rien ne bouge. Je suis bloquée dans ce lit.    

    Alors par curiosité, je me lève légèrement pour voir ce qui bloque.

    — Salut.

    Je fais un bond dans mon lit quand je la vois, là, assise au bout du matelas. Elle est le poids qui me bloque et sûrement aussi celle qui m'a sortie de ce vilan cauchemar.

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