Chapitre 7 : Confidence

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Hiver 2006.

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    —  Merci Franck d'être venu nous chercher.

    —  De rien, Gara, c'n'est pas tous les jours qu'j'ai l'plaisir d'vous voir tous en m'même temps !

    —  Je suis si heureuse d'être ici...

    Ah ça, je n'en doute pas une seule seconde. Ça fait des semaines qu'elle en parle, des semaines qu'elle prépare sa venue à Bigfork. C'est simple, je n'ai quasiment pas vu mes parents les deux derniers mois, toujours enfermés dans leur bureau. Mais au moins, ils ont pu régler ce qu'ils avaient à régler et être là, avec moi, pour les vacances de Noël. Quant à Ana, ça fait environ six mois que je ne l'ai pas vue. Elle est dans un programme d'échange dans le sud de la France et elle revient à la fin de l'année scolaire. C'est d'ailleurs pour ça que je ne suis pas venue l'hiver dernier, ici. Mes parents voulaient absolument que l'on passe les fêtes tous ensemble avant que ma sœur ne s'envole à l'autre bout du monde.

    En vrai et malgré tout, c'était sympa, je ne peux pas dire le contraire... Mais je suis quand même heureuse d'être de retour. J'ai un million de choses à raconter à Lanah et sans doute à Charlie aussi. J'ai eu l'occasion de lui parler bien plus souvent ces derniers temps, par téléphone mais aussi de temps en temps par sms et par lettre. Elle m'a raconté les différents évènements qui ont eu lieu à Bigfork, le fait que mamie Sophie l'avait surprise en train de fumer sa première cigarette. Enfin d'essayer. Chose qu'elle m'a certifié ne plus jamais recommencer vu le savon qu'elle s'est pris. Elle m'a aussi parlé des concours de pêche, du triathlon organisé cet été et du fait, bien sûr qu'elle aurait aimé que je sois là.

    J'avoue ne jamais avoir autant écrit, faisant des lettres d'une vingtaine de pages à chaque fois. Mais je suis contente qu'on ait pris cette habitude, vraiment.

    Et concernant Lanah, concernant ce que j'ai à lui raconter... Là je suis sur un tout autre registre. Elle avait raison. Il y a deux ans, elle avait totalement raison. Je pense que je préfère les filles aux garçons. Je m'en suis rendue compte lorsque nous avons eu notre discussion la fois dernière, lorsque ça m'a permis de mettre des mots sur mes émotions, sur ce que je ressens en général. Le fait que je n'éprouve aucune attirance pour les garçons, contrairement à mes amies, par exemple. Le fait que lorsqu'ils m'embêtent, je ne me sente pas flattée ou amusée mais vraiment embêtée. Je peux les trouver beaux mais comme je trouverai un arbre beau. Oui ils sont là, ils existent mais je ne saurais tellement pas comme l'expliquer, cette sensation qui fait qu'ils me sont totalement transparents. Presque comme une espèce à part, quelque chose que je ne comprends pas. Je ne comprends pas leur façon de penser, de se comporter, je ne comprends pas pourquoi ils veulent toujours se battre et montrer qu'ils sont forts et les meilleurs. Je n'arrive pas à les cerner, voire même à simplement les voir. Et ça depuis toujours. Depuis toute petite.

    Alors forcément, le fait de se rendre compte que je n'étais pas la seule, le fait de voir que ce n'était peut-être pas juste une question de moi ne ressentant rien au niveau de l'amour, mais plus moi qui ne ressentait rien pour eux tout cours.

    Et il m'a fallu quelques mois pour mettre des mots dessus, quelques séries et films aussi ou deux femmes pouvaient être attirées l'une par l'autre. Et maintenant, maintenant, je commence à l'être aussi. Ce ne sont plus juste des questions... mais plutôt des affirmations. J'ai la sensation d'être comme Lanah et réussir à mettre des mots dessus, réussir à voir que je n'ai pas de problème et que je ne vais pas finir ma vie seule, ça fait quand même pas mal de bien.

    —  Y a beaucoup d'neige c't'année et toutes l'route n'sont pas dégagées. On va p't'être met' deux heures à rentrer, dit le père de Leo au volant.

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