Chapitre 11 : Proches du bord

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Été 2010.

***

Le vent est chaud aujourd'hui et très agréable et j'avoue que Charlie avait raison, rien ne vaut une après-midi au lac par cette chaleur, rien ne vaut d'être calée là, sous cet arbre, dans ses bras.

Et je sais que je ne devrais pas être là, je sais que je n'arrive toujours pas à faire le point sur mes émotions, malgré le fait que je me force à le faire lorsque je suis loin. Parce que oui, dès que je retourne sur New-York, dès que je rejoins mes amis de là-bas, que je suis en cours, me prends la tête avec ma sœur ou autre, et bien j'essaie tant bien que mal de me dire que c'est normal que Charlie ne soit pas là et qu'il faut que je me fasse une raison. Oui, même si mes sentiments sont profonds, tant que je ne vivrai pas ici, ça ne servira à rien de les assumer. Oui, je ne vais pas risquer de la perdre pour un peut-être qui sera en plus un peut-être, à distance.

Aujourd'hui, j'ai la certitude de compter pour elle, d'être son amie, sa personne. Demain, si je parle, je n'aurais plus du tout cette certitude là, ni même la certitude de pouvoir revenir sur Bigfork. Parce que si Charlie ne m'apprécie plus, alors il y a de forte chance pour que mon envie d'être ici s'effondre au même moment que son rejet.

Et même si, même si parfois j'ai la sensation qu'elle ressent la même chose que moi, et bien rien n'est sûr. Elle reste proche de Bob, ils sont souvent ensemble et même si ces derniers temps, ces derniers mois, je ne les ai pas vu s'embrasser ou autre, je ne peux pas me dire que c'est parce que ses sentiments à elle ont changé. Non, je ne peux encore pas nourrir d'espoir juste parce qu'elle m'a embrassée pour équilibrer les choses. Juste parce que son amour de la compétition s'est un peu trop mêlé à la tendresse qu'elle ressent pour moi...

Non, je ne peux pas me dire ça.

Je dois juste apprécier ces moments, jusqu'à ce que je puisse venir ici du moins... Parce que j'en rêverais. Mon dieu oui...

— À quoi tu penses ?

La voix de Charlie me sort de mes pensées et je me reconnecte alors au présent et aux bruits environnants. J'entends les gens jouer dans l'eau devant nous, l'air s'engouffrer dans les branches de l'arbre au-dessus de nous. D'ailleurs, calée là, contre la poitrine de mon amie, ses bras entourant ma taille, j'entendrais presque, aussi, mon propre cœur résonner.

— Qu'il serait agréable de vivre ici...

— À l'année, tu veux dire ?

— Oui, que ce serait bien, pour une fois, de connaître le printemps et l'automne. De voir la vallée fleurir ou bien les arbres perdre leurs feuilles. J'aimerais savoir ce que c'est que d'avoir un chez-soi à Big Fork...

— Tu as un chez toi, ici, tu sais. Même si tu n'as pas de maison à proprement parler, tu es complètement chez toi ici.

— Tu penses ? je lui demande en regardant un enfant sauter du ponton près des berges.

— Oui... Tu sais, je ne te vois pas comme une touriste qui débarque chaque hiver et chaque été lorsqu'elle le peut et que sa sœur n'est pas trop chiante, dit-elle alors que je la sens sourire dans mon dos, tu es née ici et quoi que tu dises, tu as grandi ici. Tes amis sont ici, je suis ici...

— Pour mon plus grand bonheur, je lui réponds alors en me tournant légèrement pour la regarder. Bigfork serait différente si tu n'étais pas là.

— Roh, comme si j'avais une incidence sur ce village, lance-t-elle en riant.

— Non, mais tu as une incidence sur le fait que ta présence me fasse l'aimer encore plus.

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