Chapitre dix-neuf : L'Ananké

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  Je n'ai pas dormi de la nuit. Encore.

  Mais, cette fois, mes pensées n'étaient tournées sur rien d'autre que sur Ben et notre séparation prochaine. Ce soir. Dans quelques heures.

  Aujourd'hui a lieu l'Ananké. Une fête en l'honneur des Aspirants et des Mentors à la fin de leur cinq années de service dans ce grade. À la fin de cette soirée, les Aspirants deviendront Mentor, Zíliens ou Redressés s'ils n'entrent dans aucune armée. Les Mentors sauront dans quelle armée ils seront envoyés. Et plus jamais, les Mentors et les Aspirants qui avaient passé cinq ans de leur vie ensemble ne se verraient. À cette pensée, ma gorge se serre.

  Je suis en train de lire l'Iliade d'Homère – l'un des rares héritages de nos ancêtres – lorsqu'on frappe à la porte. Je pose mon livre sur mon lit, sans prendre la peine de le fermer, et me dépêche d'aller ouvrir.

  Une femme – habillée comme les personnes qui donnaient tous ces soins à Kéntro – attend dans le couloir. Avec un grand sourire, elle explique :

  — Il est temps de vous préparer, Agent Johnson. L'Ananké est l'événement le plus important de votre vie. Il vous faut une tenue à la hauteur de son importance.

  Je fronce les sourcils et hésite avant de la faire entrer. Ben ne m'avait pas mise au courant de cela. Je ne m'attendais donc pas à ce quelqu'un débarque dans ma chambre, apportant une robe et de quoi me coiffer. Je n'ai jamais porté de robe.

  La femme va poser son matériel et se tourne vers moi.

  — Je suis Ostense Karil. Mais vous pouvez vous contenter de m'appeler Ostense et me tutoyer.

  Je ne réponds rien.

  — Approchez-vous donc que je vérifie si les mensurations sont bien celles que l'on m'a données.

  Je reste immobile, alors c'est elle qui s'avance vers moi. Elle me prend par la main, un gigantesque sourire étirant ses lèvres.

  — Ne vous inquiétez pas. Vous êtes une très belle femme. Je n'ai pas beaucoup de travail.

  Je n'ai pas le courage de lui dire que ce n'est pas pour ça que je m'inquiète, alors je me laisse faire. Je la vois sortir tout un tas de trucs et prendre un tas de mesures, notant des choses dans un petit carnet. Lorsqu'elle s'arrête, elle reste un instant silencieuse et annonce finalement :

  — Vous avez perdu un peu de poids depuis la semaine dernière, mais votre musculature est assez développée pour que cela ne pose pas de problème.

  Je ne vois pas le rapport entre mon poids et ma musculature, mais je ne dis rien. Je la laisse sortir quelque chose et le poser sur mon lit. Je me penche pour voir de quoi il s'agit et constate que c'est une longue robe bleue. Je recule d'un pas.

  — Je ne suis pas sûre de... je commence.

  — Ne vous inquiétez pas ! me rassure Ostense. Vous serez sublime ! Je sais que vous n'en avez jamais portée, mais, vous n'avez rien à craindre. Et si vous n'aimez pas la porter, dites-vous que ce n'est que pour une soirée. Allez, venez. Allons vous préparer. Et ne vous regardez pas tant que ce n'est pas terminé, d'accord ?

  J'acquiesce et la laisse me mener dans la salle de bain. Elle m'aide à enfiler cette robe et je suis surprise de voir à quel point elle est confortable – bien que le malaise ne me quitte pas. Elle me fait ensuite enfiler des chaussures de la même couleur. Je découvre avec horreur qu'il s'agit de chaussures à talons. À peine les ai-je enfilées que je sens mes pieds me crier de les retirer. Je n'en fais rien. Ce n'est que pour ce soir.

  Ostense me fait ensuite assoir sur une chaise et commence à coiffer ma longue chevelure. Je crois qu'elle fait deux petites tresses partant de l'avant de mon crâne et laisse le reste totalement lâché. Enfin, peu importe ce qu'elle fait, mes yeux se retrouvent bientôt emplis de larmes tandis qu'elle semble vouloir m'arracher chaque mèche de cheveux une par une.

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