1. Train Peu Quotidien

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...

- Quel message avais-tu laissé à Jacqueline Kiyungu ?

- " Clarisse Feza. "

...

Je compris que quelque chose d'inhabituel s'était produit la nuit en approchant de ma station ce matin-là. Les lieux étaient vacants et scellés. En montant les marches de l'entrée principale je vis accourir Sidonie, me tendant la clé de la porte. C'était une jeune vendeuse de pain installée près de l'entrée du poste.

'' Mon capitaine, ils ont tous dû se rendre chez l'honorable Kiyungu. Il y a eu une attaque la nuit, qui aurait fait plusieurs morts, '' me dit-elle, essoufflée.

'' Ce n'était pas une raison pour te laisser la clé du poste de police ! '' lui répondis-je, furieux.

'' Personne n'avait de moyen de vous contacter par téléphone, Chef. Et les cabines téléphoniques n'ouvrent qu'à partir de huit heures, comme vous le savez. Mais je n'ai pas utilisé la clé, je vous le jure. ''

'' Autre chose ? '' lui demandai-je, après un bref silence.

'' Vers cinq heures du matin, un véhicule militaire est passé devant le commissariat, roulant en direction de la résidence de l'honorable sénateur. Puis vos policiers partirent d'ici une heure plus tard. Voilà que vous arrivez environ deux heures après leur départ. Ces militaires et leur voiture ne sont plus repassés par ici. ''

'' Que disent les gens dans le quartier ? ''

'' Que c'est un vrai carnage. On ne sait pas si monsieur Kiyungu a survécu. ''

'' Autre chose ? '' lui demandai-je plus calmement, me rappelant que cette jeune civile aimable au regard sincère et curieux, que je connaissais depuis six ans, m'avait, du reste, toujours semblé irréprochable.

'' Je peux me renseigner un peu plus, si vous le voulez. ''

'' Oui, fais-le. Sidonie, tu aurais été ma meilleure agente, si tu savais rédiger un rapport, '' lui dis-je, regrettant quelque peu de m'être emporté plus tôt.

En entrant dans mon bureau, je sentis combien il faisait plus chaud que d'ordinaire. Cela me rappela que le soleil s'était levé beaucoup plus tôt que d'habitude ce lundi-là, donnant l'impression j'étais en retard pour mon travail.

La demie heure de marche, que je m'imposais chaque jour sur le chemin du poste, était le secret de ma constante bonne forme. J'étais le superviseur en chef de mon sous-commissariat, une station de trois locaux servant de poste de police à Masambila, un grand quartier résidentiel de la périphérie sud-ouest de Kinshasa. J'arrivais en général le premier à mon travail, prenant la relève des trois policiers qui assuraient le service de nuit. Je repartais aussi le premier cependant. Non parce que j'étais le chef, mais parce que dans ma famille, la ponctualité était la chose la mieux héritée de notre père.

Après avoir ouvert la fenêtre de la petite pièce de neuf mètres-carrés qui constituait mon bureau, je posai mon sac sur la table et en sortis mon téléphone pour appeler Madrid, le chef d'équipe, qui avait supervisé le service de nuit.

'' Mon capitaine, il y a deux cadavres et un blessé grave qui a été transporté vers le dispensaire le plus proche. Ce sont tous des gardes du corps du Sénateur Kiyungu, '' me dit-il.

'' L'honorable sénateur n'a donc rien, si je comprends bien ? ''

'' Affirmatif, mon capitaine. Toute sa famille est saine et sauve. ''

'' C'est plutôt « négatif » que tu aurais dû répondre, Sergent Madrid. Une idée sur le déroulement de l'attaque ? ''

'' Les assaillants sont arrivés en motos autour de trois heures du matin, et ont ouvert le feu sur les trois policiers qui gardaient la résidence. Au déclenchement de l'alarme par les résidents, et face à la résistance inattendue des gardes, ils ont été forcés de détaler. Le troisième policier n'a été touché qu'aux jambes mais son état semble critique. On aurait compté en tout six assaillants. Visiblement, des professionnels, '' expliqua-t-il, sûr de lui.

Capitaine MASAKI, Un paradis aux âmes mal néesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant