Puisque j'y étais, sans perdre une seconde, je me rendis à l'adresse où habitait la jeune Rita, sans passer devant la résidence du sénateur assassiné, question d'éviter mes agents ainsi que les militaires qui infestaient les lieux. Adèle n'avait pas rouvert les yeux mais ses médecins se voulaient rassurants quant à sa santé lorsque je téléphonai l'hôpital en arrivant chez Rita. Je tombai alors sur Wivine, l'amie d'Evelyne Kiyungu, qui visiblement habitait les lieux. A la question de savoir si elle connaissait la jeune Rita, elle répondit qu'elle n'en était autre que la grande-sœur.
'' Je trouve curieux que ce soit ma sœur et non moi que vous veniez chercher, '' me dit-elle, provocatrice.
'' Je dois parler à votre sœur, si elle est là. Et c'est très urgent. ''
'' A cette heure elle est à l'école. A-t-elle fait quelque chose de grave ? J'espère que ça n'a rien à voir avec l'assassinat de l'honorable Kiyungu ! '' dit-elle, inquiète mais apparemment moins émue par la fraiche disparition du sénateur Kiyungu que par celle de Chadrak Mavika il y a cinq jours.
'' Non, elle n'a rien fait de grave, que je sache. Que savez-vous du meurtre du sénateur ? ''
'' Vous avez certainement vu son véhicule. Il a été attaqué alors qu'il revenait d'une soirée, sans son escorte habituelle. Il est mort sur le coup, dans la voiture. Le corps du garde abattu était, quant à lui, hors du véhicule. Un homme prétend avoir assisté à toute la scène, '' m'expliqua-t-elle.
'' Qui est cet homme ? ''
'' Il n'habite pas loin d'ici. C'est un charpentier bien connu dans le quartier. ''
Je notai l'adresse du présumé témoin oculaire mais fonçai tout d'abord à l'école. L'un, du garçon que voyait la petite Clarisse, et de son amie Rita, devait certainement savoir où se trouvait la nièce du sénateur. J'arrivai à l'école qui se situait pile au sommet de la grande colline qui regroupait deux quartiers de la commune dont faisait partie Masambila, ma juridiction. J'ordonnai que l'on me fasse venir la jeune Rita. L'adolescente, qui se trouvait en quatrième des humanités, était en effet connue pour être la grande amie de Clarisse Feza, comme me le confirma l'autoritaire nonne qui faisait office de préfète de l'établissement scolaire.
Rita parut étonnée mais pas intimidée lorsque je lui dis qui j'étais et ce pourquoi je l'avais fait venir. Nous nous éloignâmes des bâtiments vers un coin de la vaste cour de l'école.
'' Saurais-tu pourquoi Clarisse s'est enfuie de chez le sénateur Kiyungu ? '' lui demandai-je sans détour. '' Tu peux te confier à moi. Rien de ce que tu me diras ne sera divulgué à quiconque. Fais-moi confiance. ''
'' On la faisait un peu trop travailler. Elle se sentait maltraitée et voulait quitter la maison des Kiyungu, mais elle n'avait nulle part où aller. Sa mère mourut dans un village lointain peu après l'arrivée de Feza chez l'honorable Kiyungu, il y a une dizaine d'années. ''
'' Y avait-il d'autres mauvais traitements en dehors des corvées ménagères ? ''
'' Je ne sais pas. Elle souffrait horriblement dans cette maison. A un point que vous ne pouvez imaginer. ''
'' Etait-elle parfois battue ? ''
'' Non. Sa tante la frappait quelques fois, mais ne la battait jamais. ''
'' Il n'y avait donc aucun châtiment corporel inapproprié, c'est cela ? ''
'' Je ne sais pas, '' répondit-elle, se refusant à fournir des détails.
'' Qu'est-ce qui causait alors la souffrance horrible que tu viens d'évoquer ? ''
'' Rien, '' dit-elle en détournant le regard, visiblement peinée par un souvenir.
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Capitaine MASAKI, Un paradis aux âmes mal nées
Mysterie / ThrillerAu lendemain de l'assassinat de trois policiers à la résidence d'un sénateur influent, le capitaine Masaki, de retour d'un long congé, se réjouit de se voir écarté par sa hiérarchie de l'affaire, dont ni les coupables ni les victimes n'intéressent l...