16. Une Autorité du Pays

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Ce que le sergent, petit-frère du colonel Kams, tint à ne pas révéler à Bosco c'est qu'il servit de chauffeur aux hommes qui avait tenté de l'assassiner la nuit. Il avait conduit le groupe à deux rues de la résidence de Bosco, mais était, lui, resté dans la voiture. Peu après avoir entendu des coups de feu, il aperçut une patrouille de trois policiers traverser l'intersection à laquelle il faisait face, marchant en direction de la maison Masaki. Le temps écoulé entre les coups de feu et l'arrivée des policiers fut extrêmement court. Il comprit que la police avait été avertie avant que l'on ne tira, et que, par conséquent, l'opération de Kams pouvait ne pas s'être déroulée comme prévue. Il sortit alors du véhicule et tenta de filer les policiers. Arrivé à ce croisement de rues, il aperçut l'un de ses coéquipiers à une trentaine de mètres, près du poteau d'un projecteur d'éclairage public, étendu au sol, encerclé, se laissant saisir sans opposer la moindre résistance aux trois agents de l'ordre qui l'arrêtaient ; sans doute certain que le colonel Kamango le ferait relâcher dès les premières heures du matin. Le sergent, se sentant lui-même à découvert, décida de rentrer en abandonnant ses trois coéquipiers, convaincu qu'ils sauraient comment s'en tirer. La suite, nous la connaissons : le sergent venait de laisser derrière lui le seul autre membre vivant de leur escadron de la mort.

L'adjudant-chef Gaston Kolesha n'était pas de cet escadron-là. C'était un vaillant soldat, quoique insolent, sur qui un meneur de troupe pouvait compter lorsqu'une situation exigeait beaucoup de témérité. Il était de ces personnes avec qui le premier contact laissait généralement à désirer. Kams, du temps où il fut actif dans l'armée, l'avait adopté et ne s'en séparait jamais lors des opérations officielles. Mais Kolesha n'avait pas, selon le colonel, l'esprit d'équipe nécessaire pour intégrer son commando d'assassins ; l'adjudant lui paraissait capable de remords, trait des plus incompatibles avec cette ignoble profession.

Qui était donc cette autorité du pays qui aurait ordonné l'assassinat de Bosco Masaki ? Le sénateur Kiyungu n'était pas préoccupé par les enquêtes de Bosco au point d'en vouloir à sa vie. C'était par conséquent une autre personne. Mais qu'il appela cette mystérieuse personne « autorité » supposait qu'il s'agissait de quelqu'un ayant au minimum un rang de sénateur. Cela s'annonçait inquiétant, le capitaine Masaki le réalisa.

Bosco n'obtint pas plus d'information du sergent et de Kolesha, il s'en retourna donc à l'hôpital. Ces derniers venaient de contribuer au fait qu'il se sentait désormais davantage en insécurité. Sur le chemin, il repensa à la villa luxueuse jusqu'où il avait suivi l'étrange personne il y avait à peine quelques heures. Cela pouvait être la résidence de l'autorité du pays en question. Il n'attendit pas d'arriver à l'hôpital pour se renseigner au sujet du propriétaire de cette villa. Il se gara au bord de la route et contacta toutes ses sources capables de lui livrer le nom qu'il cherchait. On lui demanda de patienter le temps que l'on se renseigne. Au moment où il remit son téléphone en poche, l'alarme de celui-ci se mit à retentir, lui rappelant qu'il devait se rendre à la tombe de son père en fin de semaine; chose qui devenait de plus en plus improbable vu l'allure des évènements.

Jeudi soir le sénateur rentra dans son salon retrouver un colonel Kams visiblement nerveux, après avoir congédié Jean-Pierre Kazamuadi.

'' Sais-tu qui c'était ? '' demanda-t-il au colonel.

'' Non. ''

'' Le minable qui sert d'adjoint à ta prochaine cible. C'est surtout à lui que tu rendras service, quand j'y pense. ''

'' Je vois... Mais, comme je vous le disais il y a peu, rien ne se fera sans que je n'aie perçu entièrement le paiement, '' dit Kams.

'' Je ne peux pas te payer d'avance, Kamango. Tu comprends toi-même que ça n'aurait aucun sens. ''

Capitaine MASAKI, Un paradis aux âmes mal néesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant