4. Veuve Accablée

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Une discussion bruyante éclata dans la salle d'accueil du commissariat. Je demandai alors à Kazamuadi d'aller voir ce qu'il se passait. Cinq minutes plus tard, il vint me rapporter que l'épouse de l'un des policiers assassinés chez le sénateur s'était trompée de station de police pour introduire ses réclamations. Cette explication était étrange en elle-même. Ce n'était pas important au point que j'intervienne personnellement, mais étant donné la période délicate que le quartier traversait, toute information fiable avait de l'importance. J'ordonnai ainsi à Kazamuadi d'amener la veuve du policier dans mon bureau. Une femme maigre dans sa vingtaine entra dans la pièce et me salua, attendant que l'autorise à s'asseoir. Sa profonde affliction était perceptible sur son corps.

'' Asseyez-vous, Madame, '' lui demandai-je. '' Présentez-vous et expliquez-moi ce qui vous amène à mon poste de police. ''

'' Mon nom est Elise Mavika. Mon mari a été assassiné il y a deux jours chez le sénateur qui habite dans votre quartier. L'agent de police, qui m'a appris le décès de mon mari, m'avait demandé de me rendre au bureau de police afin de solliciter un dédommagement. C'est ainsi que je suis venue à la station de police du quartier où Chadrak, mon mari, travaillait. ''

'' Cet agent de police ne vous avait-il pas donné l'adresse du bureau où vous deviez vous rendre ? ''

'' Non, Chef. Je me suis débrouillée toute seule pour retrouver votre poste, et j'ai même dû emprunter de l'argent pour le taxi. ''

'' Je vois... Comme mes agents vous l'on certainement expliqué, feu votre époux, Monsieur Chadrak, ne travaillait pas chez nous. Il était policier garde-du-corps et dépendait donc de la DPC, la Direction de la Protection Civile, dont le siège se trouve dans une autre commune de la ville. Notre poste dépend, lui, de la DSP, la Direction de la Sécurité Publique. Les deux directions sont différentes et indépendantes, Madame. Notre rôle n'est pas de sécuriser des particuliers, tel que le faisait votre époux, mais plutôt de maintenir l'ordre public. ''

'' Je comprends cela, mon commandant. Mais pourriez-vous alors m'aider à contacter le bureau de mon mari ainsi qu'à demander réparation auprès du sénateur ? ''

'' Nous ne pouvons que vous donner l'adresse du siège de la Direction de la Protection Civile, Madame. Nous ne sommes pas autorisés à vous aider à solliciter quoi que ce soit auprès du sénateur. ''

'' Mais comment le sénateur me paiera-t-il ce qu'il me doit ? Mon mari a quand même perdu la vie en le protégeant. ''

'' C'est la Police Nationale Congolaise qui est tenue de vous dédommager, pas le sénateur. La seule chose que vous pouvez espérer du sénateur, si vous la sollicitez, c'est une assistance, en reconnaissance des services lui rendus par feu votre époux. ''

'' Vous voulez dire que l'honorable sénateur a le droit de refuser de me payer ? ''

'' Absolument. Il paie la Police Nationale, qui, à son tour, rémunère ses gardes du corps. ''

'' C'est absurde, voyons ! '' s'exclama-t-elle, furieuse.

'' Je vais ordonner que l'on vous fournisse l'adresse de la DPC, avec toutes les orientations nécessaires. ''

'' Pensez-vous que la police me paiera aujourd'hui même ? ''

'' Vous devrez d'abord prouver, documents à l'appui, votre identité ainsi que le lien qui vous uni à la victime, avant d'introduire votre requête. Je n'ai aucune idée des délais d'aboutissement de ce type de demande. Le sous-commissaire adjoint vous donnera le reste des informations dont vous pourriez avoir besoin.

'' Pourriez-vous m'aider à rencontrer le sénateur et lui demander de l'aide, mon commandant ? Je vous en supplie. Vous pourriez directement plaider ma cause auprès de lui... J'ai deux filles en bas âge qui sont complètement désemparées et je suis sans emploi. ''

Capitaine MASAKI, Un paradis aux âmes mal néesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant