9. Ambitions d'Adjoint

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Je pensai que le policier Chadrak Mavika avait été intentionnellement gardé en vie afin de transmettre le message qui était adressé au sénateur de la part de l'instigateur de la tuerie. Après le départ de Leblanc, je convoquai mon agent Madrid afin qu'il me dise tout ce que son cousin, le militaire, lui avait raconté à propos du décès du jeune policier dans la voiture du colonel Kams. Madrid fut d'abord surpris puis devint vite confus. Comme si Kazamuadi l'avait trahi en me donnant cette information. Je lui appris que tout le quartier savait que le troisième policier avait été tué dans le véhicule des militaires, où se trouvait son cousin. Mon agent m'expliqua alors que ce fut pour abréger ses souffrances que les militaires choisirent de mettre un terme à la vie du policier Mavika. Il m'informa aussi que mon adjoint, Jean-Pierre Kazamuadi, ne saurait rejoindre le poste pour raison de santé, ce qui ne me surprit guère ; Kazamuadi ne pouvait pas me confronter sans un plan bien élaboré pouvant empêcher son renvoi définitif de ma station de police, maintenant qu'il savait que j'avais découvert ses ignobles combines.

Bijou, la caporale, sollicita une entrevue en privé avec moi aussitôt que Madrid franchit la porte de mon bureau en sortant. Je reçus la policière de vingt-neuf ans qui affichait le même air de confusion que son prédécesseur sur la même chaise.

'' Mon capitaine, il y a longtemps que j'aurai dû vous le dire, '' commença-t-elle. '' Depuis la promotion d'un ressortissant de sa tribu au rang de colonel dans notre direction, le chef Kazamuadi prétend que vous serez bientôt suspendu de vos fonctions pour incompétence, et qu'il vous remplacera comme sous-commissaire principal. Il nous oppose régulièrement à vous dans l'intention de déterminer qui lui sont réellement loyaux. En votre présence, c'est un agneau. Mais dès que vous quittez le SCiat, il se transforme en ignoble tyran. ''

'' Peut-être que je mérite effectivement d'être révoqué pour incompétence. Qu'en pensez-vous ? ''

'' C'est absurde, Chef, nous le savons tous. Vous êtes un modèle pour vos agents, sachez-le. Nous sommes fiers de vous, et nous remercions le ciel de vous avoir comme commandant. Le chef Kazamuadi ne vous arrive pas à la cheville... Vous savez, durant votre dernier congé il n'a fait que vous vilipender auprès des autorités qui habitent le quartier. ''

'' Pourquoi vous avez attendu que je découvre tout cela par moi-même avant de m'en parler ? ''

'' J'ai simplement senti que c'était le bon moment pour vous en parler. Personne ici ne vous admire plus que moi. Certains pensent que vous êtes naïf, et inutilement strict. Mais c'est parce qu'ils ne vous comprennent pas. ''

'' Autre chose ? ''

'' C'est tout, mon capitaine. Sachez que vous pouvez toujours compter sur ma loyauté envers vous, '' dit-elle en se levant.

Cet entretien avec Bijou eut le mérite de me rappeler qu'elle détestait Wivine, l'amie d'Evelyne Kiyungu. Je me disais que Wivine pouvait certainement me fournir des renseignements utiles au sujet de la famille, prétendue diabolique, du sénateur Kiyungu.

Je sortis ensuite le rapport de l'enquête sur la disparition de la nièce du sénateur, menée en mon absence. On s'était limité à y décrire les circonstances des faits. Aucune tentative de retrouver celle que le rapport osait nommer « la fougueuse. » La gamine savait certainement des choses sur la famille du sénateur qui pouvaient intéresser la justice, me dis-je. Je doutai cependant qu'elle eut été d'une réelle utilité pour l'enquête sur les trois policiers.

Un malaise se ressentait dans tout le sous-commissariat ce jeudi-là. Mes agents se savaient découverts et tentaient chacun, maladroitement, de faire bonne figure. J'attendis qu'il soit seize heures pour aller à la rencontre de Mbuta et Mike. Une heure plus tôt, mon téléphone sonna. C'était un appel d'Evelyne Kiyungu.

Capitaine MASAKI, Un paradis aux âmes mal néesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant