Chapitre 9

9 1 0
                                    

Le couple s'avance vers nous pour nous dire bonjour, je me sens hors de mon corps et fais la bise à Antone comme un robot. Moi qui me plains de mes pensées incessantes, il n'y a plus aucun bruit dans ma tête. Comment ai-je pu être aussi bête ?

Antone est avec Livia. Celle qui a critiqué mon comportement avec Madame Louise cet après-midi. Celle que je trouve détestable. Je n'arrive pas à me faire a l'idée.

Ils s'installent tous les deux face à moi, Henri a pris place à mes côtés. Je le sens m'observer, il ne doit pas comprendre ce qui m'arrive. Tout mon corps est tendu. Livia pose une question à Henry, je ne l'entends même pas répondre.

Soudain Antone secoue la main devant mon visage.

-Eh la nouvelle tu m'entends ? Comment ça s'est passé aujourd'hui ? bien remise de tes émotions. Je n'ai jamais vu quelqu'un avoir aussi peur en moto rigole-t-il. Même ma nièce ne s'accroche pas autant à moi quand elle monte à l'arrière.

Livia me transperce du regard.

Bien sûr qu'il en parle devant elle, il n'y a rien d'ambigus de son côté alors pourquoi lui cacher ?

-Oui ça va, j'articule difficilement, le nœud dans ma gorge s'étant reformé et serrer encore plus cette fois.

Je ne comprends pas non plus ma réaction. Je connais Antone depuis seulement quelques jours et il n'y a rien eu entre nous, aucun signe de sa part me montrant que je lui plais et je passe mon temps à me dire que ce que je ressens pour lui n'est qu'illusion. Alors pourquoi mon cœur est-il aussi meurtrit ? Pourquoi j'ai envie d'éclater en sanglot ? Peut-être que ce soir, le voir avec elle, c'est le signe qu'il me fallait pour me faire à l'idée que j'ai bel et bien été victime d'un coup de foudre. Un coup de foudre fulgurant pour un homme déjà pris. Ce que la vie peut avoir le sens de l'humour.

-Elle a oublié de verser le lait dans la tasse de Madame louise, heureusement que j'étais là pour le lui rappeler, rigole Livia ce qui me ramène au moment présent.

Je m'apprête à me défendre, je vois rouge d'un seul coup. Comment peut-elle mentir pour m'enfoncer comme ça.

-ça fait une semaine qu'elle est là, dit Henri. C'est normal qu'elle ne sache pas encore tout faire et je suis sûr que madame Louise ne lui en a pas tenu rigueur. Il me fait un clin d'œil complice et je vois Livia s'enfoncer dans sa chaise le regard noir.

L'ambiance est étrange, Antone est joyeux comme à son habitude et captive l'attention avec ses anecdotes de la semaine. Henri rigole à chaque fois, Livia ne pipe pas mot et moi, j'essaye de ne pas croiser son regard. J'ai peur d'être fusillé sur place.

Un homme d'une trentaine d'année s'avance vers notre table essoufflée.

-Salut tout le monde, j'ai couru comme un malade. Je devais enregistrer les vidéos de la semaine sur le disque dur, ça m'a pris un temps fou.

Il se dirige vers moi et me tend sa main pour me saluer.

-Carl enchantée. Je suis l'employé de l'ombre de l'hôtel Luciani, on ne me voit jamais mais moi je vois tout le monde, rigole-t-il.

Il porte une chemise et un pantalon en lin, des mocassins et des lunettes à monture noires épaisses. Il est très classe et rasé de près.

-Carl est derrière les caméras de surveillance de l'hôtel. C'est l'agent de sécurité du Luciani. M'explique Henri.

-Pas besoins de le dire on sait ce que tu penses, plaisante Antone. Toi aussi tu n'as jamais vu d'agent de sécurité en mocassin.

Carl rigole de bon cœur et se défend en expliquant que pour lui, le style à une importance capital, même caché derrière les caméras toute la journée.

-Et si un jour on a besoin que tu interviennes, tu comptes enlever tes chaussures avant de te battre ou tu vas les garder, le taquine Henri.

-Très drôle, en tout cas, si je n'ai jamais eu à intervenir encore c'est que je fais très bien mon travail de surveillance, se défend Carl.

Il commande une Orezza et m'explique qu'il ne boit pas d'alcool depuis une cuite monumentale qu'il s'est prise il y a deux ans. Les autres râlent se plaignant d'avoir encore à écouter cette histoire. L'agent de sécurité sortit du loup de Wall street me raconte qu'il a descendu une bouteille de vodka d'un coup, debout sur une chaise, une chapka sur la tête pour impressionner une touriste russe qu'il voulait mettre dans son lit un soir. Résultat des courses, il s'était retrouvé le lendemain avec une énorme gueule de bois, sans la russe à ses côtés et avec comme surnom Vladimir pour les deux années suivantes.

Tous rigolent de bon cœur et l'arrivé de Carl redonne du pep à la soirée.

-Et toi alors, dis-nous-en un peu plus sur toi Alba, me demande Henri.

Je lui ai plus ou moins résumé ma vie avant que tout le monde arrive mais je sais qu'il fait ça pour essayer de m'intégrer.

Je joue avec mes mains quand je vois quatre paires de yeux me fixer.

-Je suis arrivé ici, enfin à Sainte-Lucie quand j'avais seize ans. Je suis littéralement tombé amoureuse de ce coin de la Corse. Mes parents sont partis vivre sur le continent, je radote, donc je me suis retrouvé toute seule et comme j'avais arrêté mes études, décidément, j'ai décidé de chercher du travail et c'est comme ça que je suis arrivé à l'hôtel, dis-je en haussant les épaules.

Je ne vois pas ce qu'il y a a dire de plus, ma vie est plus que monotone depuis un long moment.

Après trois autres bières je me détends, je suis même un peu ivre. Il est une heure passé quand Carl nous indique qu'il va rentrer se coucher. Il ouvre la danse puisque nous décidons tous de rentrer. Livia s'en va et se dirige vers les toilettes. Antone s'approche de moi dès qu'elle a passé la porte et pose une main sur le bas de mon dos. J'en avais oublié ma robe dos nus, le contact de sa main sur ma peau me fait frissonner.

-Tout va bien Alba ? Je t'ai trouvé distante ce soir, c'est ma conduite de la dernière fois, rigole-t-il.

Je vois Henri nous observer au loin. Il s'approche de nous et avant que je n'aie pu répondre à Antone, me propose de me ramener. J'accepte avec plaisir, pour une fois je n'ai vraiment pas envie de marcher.

Antone retire sa main de mes reins et rejoins sa copine qui vient de sortir des toilettes. Je détourne le regard quand elle s'approche de lui, je ne veux pas les voir s'embrasser. Une partie de moi ne rêve que d'une chose, rentrer et me poser pour réfléchir à tout ça. L'autre partie n'a pas envie de se retrouver seule par peur de justement, y penser.


Hôtel LucianiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant