Chapitre 3

2 1 0
                                    

La semaine était passé à une vitesse folle, et il n'en était pas plus mal. J'étais excité à l'idée de commencer mon premier jour, même si cela n'était qu'un essai. La plupart des gens auraient trouvé ridicule que je sois aussi enjouée par des horaires de nuit, un boulot d'employée polyvalente et un salaire sûrement payé au smic. Mais cela n'avait pas d'importance. Trouvé un travail, était pour moi le moyen de sortir de ma solitude. Solitude qui avait l'aire de me suivre depuis ma naissance. J'avais été un fantôme pendant ma scolarité et mon enfance à Bonifacio. Trop banal, trop sensible, trop dans mon monde pour le reste de mes camarades. Puis quand j'avais emménagé ici, lors de la mutation de mon père, j'avais été trop nouvelle, trop bizarre, et encore une fois sur une autre planète, bien éloigné du système solaire de toutes les personnes de mon lycée. Pas d'amis, et maintenant que mes parents étaient partis vivre sur le continent, je n'avais pas non plus de famille avec qui parler le soir autour du repas. On aurait pu avoir l'impression que cela me convenait, moi qui me rendais sur la plage aussi tôt pour justement être seule. Mais après avoir passé mon troisième nouvel an en tête à tête avec moi-même, j'avais décidé qu'il en était assez. Comment rompre avec la solitude quand on n'a ni amis, ni fac, ni famille sur place ? M'étais-je demandé. Prendre mes faibles compétences et ma faible confiance en moi et partir au front trouver de quoi renflouer mes comptes, des collègues qui pourrait me parler un peu plus que les poissons que je nourris chaque jour et des tâches qui m'occuperait tellement l'esprit que je n'arriverais pas à me lever avant mon réveil tant je serais fatiguée.

Mon uniforme m'avait été livré vendredi matin, je l'avais soigneusement repassée et essayée plusieurs fois.

Une fois enfilée, je me prépare rapidement et jette un coup d'œil au miroir de l'entrée. Cela changeait effectivement de la tenue que je portais le jour où j'avais rencontré la responsable de l'Hôtel. Je m'attache rapidement les cheveux en queue de cheval, attrape mon sac et mes clés et prend la route.

Je n'avais jamais eu de voiture, j'avais obtenu mon permis peu après mes 18 ans mais avait toujours préféré marcher. Le paysage corse avait tellement de belles choses à montrer que c'était loin d'être une épreuve de parcourir ses 3km à pied.

Entre montagne et mer, l'île de beauté portait bien son nom. Marcher au milieu des maisons en pierre, passer devant l'église de mon village et sentir l'odeur des immortelles en passant devant la petite boutique de souvenir du coin de la rue, qui me rappelais à chaque fois la maison de ma grand-mère me permettait de commencer la journée du bon pied. Cette dernière avait rempli sa maison de petit sac en toile remplis d'immortelle, l'odeur embaumait tellement toutes les pièces que les yeux fermés, il aurait été difficile de dire dans laquelle vous vous trouviez. Mina avait toujours été ma source d'inspiration. Femme indépendante qui avait perdu son mari très jeune, cette dernière ne s'était jamais remariée et aimait crier haut et fort qu'elle n'avait pas besoins d'un homme pour vivre. À 85 ans, elle taillait encore les arbres de son jardin, partait tous les matins à pied faire ses courses et se rendait chaque vendredi après-midi à son cours de Pilate. À 86 ans, Mina n'était plus là. Un cancer du pancréas terrible qui l'avait terrassé en moins d'un an. La famille s'était réunie pour les funérailles, avait pleuré la doyenne et puis avait vendu la maison avant de se battre bec et ongle pour le restant de ses affaires. Depuis, je ne parlais plus à la moitié de ma famille et avait, moi aussi rempli ma maison de petit sac d'immortelle.

Je quitte rapidement mes pensées en apercevant au loin le néon bleu qui annonce fièrement "Hôtel Luciani". Quand j'arrive devant, le même homme que la dernière fois me salue.

-Mademoiselle Pietri bonjour, je suis Henri, nous t'attendions avec grande impatience. Nous sommes toujours ravis de voir entrer de nouveau membre dans la grande famille Luciani, s'exclama-t-il enjoué.

Hôtel LucianiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant