Chapitre 26.

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Il y a souvent eu des choses dans ma vie qui m'avaient échappées. Plus que je ne pouvais le concevoir, en fait. Mais là, ce n'était même plus une chose parmi d'autres qui s'effilochait entre mes doigts, c'était carrément toute ma vie. Elle se consumait juste sous mon regard et je ne pouvais rien n'y faire. Petite, les soirs un peu trop noirs, au fond de mon lit, je songeais souvent à comment me serait arrachée la vie. J'avais aujourd'hui la réponse, ou presque. Je n'arrivais pas à me décider sur le fait que ce soit carrément génial de perdre la vie avec des vampires plutôt qu'une mort « banale » ou que ce soit vraiment atroce de me faire déchiqueter par les crocs de ces... Eh bien, monstres. Le tracas de ma mort future me retournait l'estomac. Quand le « trois » glacial de Louis avait résonné dans la pièce, j'étais sortie en trombe sous leurs rires démoniaques. Je ne savais évidemment pas où aller. Dans les rues abyssales, certains vampires aux yeux luisants se tournaient sur moi quand je passais à leurs côtés. Je n'arrivais même pas à me dire que l'un d'eux puisse être assez « humain » pour me permettre de survivre. A force de courir, j'avais les poumons en feu. Je crachai une glaire de salive trop encombrante et passais le bras sur mon front dans l'espoir de retirer un peu de la sueur qui le parsemait. C'était dégueulasse. J'étais assise dans un coin, incapable de savoir quoi faire. J'avais si peur, qu'au moindre bruit je frisais la crise cardiaque. Je tremblais de peur comme jamais. Je ne savais même pas pourquoi j'avais pris la peine de quitter la pièce, j'aurais dû y rester. Je savais très bien comment ce jeu allait finir. Une mort macabre qui ne pourra être que la mienne. J'allais mourir et je ne savais pas quel jour nous étions. Mes parents ne sauront pas à quel point je peux les aimer, ma sœur ne se doutera pas à quel point elle est tout pour moi. Mes amis ne sauront pas à quel point sans eux je ne suis qu'une pauvre coquille vide. J'avais beau clamer que j'aimais la solitude, ce qui n'étais pas faux, j'étais quand même dépendante des gens que j'aimais. Ça pouvait vraiment me rendre malade d'ailleurs, malade dans le sens parano. La paranoïa que j'éprouvais pourtant à cet instant était loin d'être de la même nature. C'était justifié. On tira brusquement sur mon coude, une main se plaquant contre ma bouche retenant le hurlement que je m'apprêtais à pousser. Eh bah, je n'aurais pas tenu longtemps. Mais en fait, en ouvrant les yeux, je me rendis compte que ce n'était pas le personnage auquel je m'attendais. C'était Antoine. Je voulais pleurer de joie. Au moins, je n'étais plus seule. Euh... Sauf s'il ne voulait pas véritablement me sauver.

-Tu me remercieras plus tard, ferme ta bouche pour le moment.

Avec ça, j'eu droit à un éclatant sourire. Peut-être bien qu'il me soutient alors. Avais-je au moins une seule chance de survivre ? Il me conduisit à travers des rues de plus en plus étroites et biscornues mais, si elles pouvaient me sauver la mise, je pourrais les parcourir à longueur de nuit. Elles n'étaient apparemment pas infinies puisqu'Antoine s'arrêta devant une porte à moitié camouflée par un pan entier de lierre grimpant sur le mur. Il écarta tranquillement les branches et donna un coup de pied pour ouvrir la porte.

-C'était pas utile mais ça rend la forme cool, expliqua-t-il.

En entrant dans la petite pièce, une horrible odeur de poussière me fit tousser. Antoine, qui s'était accroupi à la recherche de je-ne-sais-quoi, redressa la tête et me fit un signe d'excuse. Il redressa une planche du parquet, tout sourire et continua son manège avec trois autres.

-Si t'arrives à passer là-dedans, t'es sauve.

En m'approchant, je me jurai que si je ne rentrais pas, je m'amputerais de tout ce qui m'empêcherait de rester en vie. Je ne savais pas bien pourquoi Antoine restait à mes côtés et je ne savais même pas si, par hasard, il ne finirait pas par me dénoncer mais, au bord du désespoir comme je l'étais, je ne voulais pas me poser de véritable question et tenter le tout pour le tout. En fait, je ne saurais pas au bout de combien de temps je pourrais quitter ce trou mais si j'en croyais la montre de Antoine, il était environ deux heures et demie du matin. J'avais encore du temps devant moi. Du temps qui me serait précieux pour tenter de me sortir une bonne fois pour toute de ce merdier tout en sauvant la peau de Niall. En faisant en sorte qu'il abandonne l'idée d'être un monstre et qu'il finisse par évoluer. Enfin... Il ne peut clairement pas éviter et nier sa nature première de suceur de sang mais passer au-dessus. Jusqu'à ce soir où Louis l'a complètement ensorcelé, il avait toujours su se contenir. Le « toujours » résonna désagréablement dans ma tête lorsque je me rappelai nos débuts de relation. Quand il m'étranglait... Sa colère n'avait peut-être pas toujours été contenue mais une fois qu'il avait réussi à se canaliser, tout aurait pu être parfait. Nous aurions pu être un couple normal avec des petites disputes et des chamailleries qui font lever les yeux au ciel tellement c'est agaçant. Antoine me rappela l'urgence de la situation en me tirant gentiment par la main. En m'engouffrant sous le sol, je priai pour que tout aille bien. Au possible, du moins. Je dû simplement forcer au niveau des épaules pour être abritée. Je n'avais plus qu'à prier. La tête d'Antoine apparue au-dessus de moi.

L'Hymne à la Pierre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant