Hereditas

CHAPITRE 10 : UN AIR FROID DE RUS'

OPHELIA :

L'air semble peser un poids particulier et dans la réponse qui suit ses réflexions, il apparaît à Ophelia que Valerian discerne sans mal la cible de ses sous-entendus. Étonnamment, une lueur d'irritation étreint le regard du Serpentard. Arthur aurait-il, d'une manière ou d'une autre, transgressé personnellement à l'encontre du prince des Serpents, ou bien serait-ce l'influence pernicieuse de Leander qui aurait envenimé l'esprit de son meilleur ami contre leur cousin ? Le mystère reste entier et en cet instant, elle ne ressent guère le besoin de plaider la cause de l'insolent.

Ophelia observe plutôt l'algue avec un froncement de sourcil, une expression dubitative sur le visage. Ce genre de souvenir, elle s'en passerait volontiers. Un rire léger s'échappe de ses lèvres et se mêle à celui empreint de nervosité de Valerian, quand elle rétorque :

« Si je ne me réveille pas demain avec l'éclabouille, ça relèvera du miracle ! Avec tout ce qui doit traîner comme maladie dans ce lac maudit ! »

C'est bien l'une des premières fois qu'elle s'approche si près du lac et elle doit avouer que le lieu a quelque chose de paisible et bucolique. Dans l'automne, il étale sa sombre majesté sur cet écrin de terres égaré, avec un mystère captivant. Les eaux, d'une teinte presque ébène, semblent absorber la lumière environnante pour mieux la dissoudre dans une palette de nuances nocturnes, même en pleine journée. Les rives, tapis de bruyères fanées, de mousses humides et de buissons épineux, s'inclinent doucement vers l'eau. De nombreuses légendes y sont associées, on raconte que des créatures ancestrales sommeillent sous ses flots, prêtes à émerger pour protéger ou maudire ceux qui osent troubler sa quiétude. Ophelia serait tentée de croire ces mythes qui lui apparaissent bien réels, après ses mésaventures du jour.

Elle se demande si Valerian vient souvent ici, pour chercher de la sérénité devant ce lac, qui a quelque chose de sombre et réconfortant. Un peu comme lui, finalement, maintenant qu'elle y pense. Elle secoue la tête, pour ne pas s'égarer et lui dit :

« C'est de ton père que tu parlais lorsque je suis arrivée ? Tu as dit quelque chose... Que tu ne voulais pas aller là-bas. »

Elle se souvient elle-même avoir bataillé contre sa mère pour ne pas être envoyée dans le royaume des Francs, plus au sud, où les jeunes filles bien-nées étaient astreintes à une éducation stricte et raffinée. Fort heureusement, son père avait encore pris sa défense et avait avancé qu'il était trop risqué de quitter seule l'Écosse, dans le sinistre climat qui régnait sur le royaume celte depuis que Mordred avait succédé à son père le roi Arthur sur le trône. Il y avait des gardes aux frontières, qui traquaient les marchandises et, s'ils remarquaient des objets liés à la sorcellerie, ils étaient bien capables de vous conduire au bûcher. Bien sûr, il y avait des leurres pour tromper les non-mages et il aurait été plus ou moins aisé pour Ophelia d'échapper aux périls liés au redoutable Mordred, mais l'idée de s'aventurer en Francie ne suscitait guère son enthousiasme. Après tout, elle avait déjà tout un royaume à explorer, celui où elle vivait et il était hors de question qu'elle laisse Leander seul à régner sur Poudlard, comme si l'école et le lègue de son père lui appartenaient déjà.

VALERIAN :

"Oui, il..."

Il entend à nouveau les mots de son père et son interdiction formelle d'en souffler mot à Leander. Le maître des potions voulait garder cette alliance secrète, déjà certain qu'elle serait vue d'un mauvais œil par les autres fondateurs et Gryffondor en particulier.

Harfang Munter et Salazar voyaient en la décadence du royaume un moment parfait pour renverser l'ordre établi. Après tout, pourquoi était-ce aux puissants de vivre dans la peur ? Comme si la providence leur tombait dessus, leurs enfants respectifs formeraient bientôt un couple assez influent pour rallier tous les sorciers et sorcières fatigués de cette ombre qui planait sur leurs familles.