Hereditas

CHAPITRE 18 : UN SOURIRE

ALYNA :

Les mains d'Alyna font des nœuds, elle accroche et décroche ses doigts dans son dos pour tenter de calmer sa nervosité. Ce n'était pourtant pas dans ses habitudes ; la jeune sorcière à l'épaisse chevelure rousse qui ne supportait pas de porter une longue robe était connue pour son franc-parler.
Il était presque certain que si cette tignasse lui était retirée, on pourrait la croire plus proche physiquement de son père que de sa douce et charmante mère. Alyna était une guerrière faite pour soulever des haches et non des jupons. Et puis cette mauvaise habitude qu'elle partageait avec son cousin Leander, toujours être la meilleure. Il fallait bien trouver de quoi se démarquer dans une fratrie aussi imposante. Amara l'avait toujours surpassée et pourtant aucune haine ne liait les deux sœurs, le départ d'Arthur avait encore plus resserré les liens des trois sœurs qui s'étaient jurées une fidélité sans faille.
Mais ses sœurs, son frère, sa famille tout entière avaient disparu de l'esprit de la guerrière en herbe, car depuis son plus jeune âge il y avait un seul moment où l'on pouvait la voir fondre comme neige au soleil.
Lui.
C'était lui, son moment.
Dain Poufsouffle, héritier de la maison Poufsouffle, charmeur de félins aussi imposants que lui.
Elle ignorait si c'était la bienveillance de son cœur ou cet insupportable mais néanmoins parfait sourire qui empourprait inévitablement ses joues dès que le grand blond entrait dans son champ de vision.

Mais Alyna voyait bien toutes ces dames, bien élevées, bien peignées, aux allures douces de colombes qui virevoltaient autour de lui. Bien sûr qu'il était courtisé, comme toute leur petite bande, mais Dain était le seul à traiter les demoiselles avec respect et douceur.
Il n'aurait pas pu être égocentrique comme Leander, froid comme Valerian et hautain comme Elias.
Non.
Lui et son rire avaient la faculté de réchauffer toute une pièce, sans le moindre effort, sans que cela ne paraisse lui coûter un instant.
Alors Alyna s'était faite aussi discrète que faire se peut, elle n'était pas dupe sur ses chances d'attirer son attention et puis comme lui avait souligné Altea "Si ce n'est toujours pas arrivé cela n'arrivera jamais". Pragmatique la cadette, peut-être en avait-elle eu marre de voir les yeux de sa sœur aux bords des larmes après chaque bal, quand même affublée d'une horrible robe il ne l'avait jamais remarquée.

Enfin, presque à chaque bal.
Lors du Festival du dragon, il l'avait invitée, même si c'était sous la demande de Leander, il l'avait fait sans rechigner. Ils avaient échangé, ri entre deux faux pas de la rouquine et aujourd'hui il lui avait apporté son aide.
Les deux cadets avaient été renvoyés dans la salle commune avec une tape sur les doigts, Alyna et Dain s'étaient rendus aux écuries pour défaire l'attelage des deux chevaux volés plus tôt par Ophelia et Arthur.
Bientôt le temps lui manquerait, elle devait trouver une bonne raison de faire durer cet instant.
Seuls.

"Je te remercie... finit-elle par lâcher dans un soupir alors qu'elle détachait la selle du cheval. Mao est... Très impressionnant, heureusement que la course n'est réservée qu'aux dragons, tu nous battrais sans ça à chaque fois."

Nulle.
Idiote.
Parle donc lui de la météo pendant que tu y es.
Alyna laissa retomber la selle sur sa place habituelle, alignée avec une flopée de brides et autres sangles en cuir. L'odeur des écuries c'était son enfance, sa mère, le foin et les chevaux c'était son parc de jeu depuis qu'elle savait marcher.

"Tu... Enfin je n'ai pas besoin de te dire que cela devrait rester le plus possible entre nous. Je vais te dire un secret à propos de Leander... Je crois qu'il n'aime pas mon frère !"

DAIN :

Dain rit. Le sourire qu'il a toujours à portée de lèvres ne rechigne jamais à se remplir d'éclats de joie sonore, qui débordent dans ses yeux, et glissent sur son visage, pour creuser un trou dans sa fossette. Alyna est drôle, il l'a déjà noté, quand ils ont dansé ensemble, lors de l'équinoxe d'automne et qu'elle a si mal aligné ses touts petits pieds, que Dain s'est demandé si elle était vraiment de haute lignée. Oh, nulle arrogance dans ce raisonnement, un simple étonnement – et Dain aime être étonné. Son esprit curieux et lumineux est stimulé par cette personnalité forte, indépendante, à l'énergie presque sauvage, qui la rend si différente des autres jeunes filles de son âge, qu'il est amené à fréquenter.