CHAPITRE 33 : LE GOÛT DE L'INTERDIT

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OPHELIA :

Cette histoire de baiser ne déclenche pas du tout l'effet escompté. L'aplomb d'Ophelia s'évanouit progressivement à mesure qu'il rapproche son visage du sien, pour disparaître complètement dès l'instant où leurs lèvres se touchent à nouveau.
Et tout l'orchestre reprend en crescendo. Les coups de tonnerres dans la tête, les battements d'ailes d'hypogriffes dans la cage thoracique, les pattes d'accromentules sur son épiderme. Et ce cœur qui tambourine à n'en plus finir.
Ce n'est pas agréable du tout comme sensation. C'est comme une petite mort.

Mais il revient à la charge et elle est incapable de l'arrêter, alors qu'elle sent ses bras l'envelopper et se resserrer autour d'elle. Elle ne s'est jamais sentie aussi petite, aussi vulnérable, et elle n'ose pas bouger. Ses yeux se ferment et ses lèvres réagissent instinctivement.
Elles lui rendent son baiser.
Elle ignore combien de temps cela dure – probablement l'éternité – mais lorsqu'elle se détache, elle n'ose plus le regarder. Ses yeux mettent du temps à se rouvrir, pour accepter à contrecœur de rencontrer à nouveau la réalité et elle garde son regard obstinément fixé vers le sol, sans se reculer.

« Je, commence-t-elle. »

Elle s'interrompt. Ophelia a peur de ce qui est en train de lui arriver. Elle est formelle : la dernière fois n'avait rien d'une exception, il continue de lui faire ce même effet ravageur et elle les entend, les plaintes de son cœur, à qui elle vient de retirer toute l'euphorie en détachant ses lèvres de lui.

Son âme légère et intrépide galope dans des contrées sauvages et Ophelia ne parvient pas à la rattraper, pour essayer de la calmer. Elle s'emballe, elle ricane et la rousse secoue la tête. Que faire ?
C'est de Valerian qu'il s'agit.
L'héritier de Salazar Serpentard. Le meilleur ami de Leander.
Son frère ne lui pardonnerait jamais.
Il le découperait en morceaux pour le donner à manger à ses propres serpents.

Elle ne veut même pas y songer. Il est hors de question que Leander continue de gâcher son existence. Lui-même ne fricotait-il pas avec la sœur d'Elias ? Il avait été le premier à bafouer les règles tacites des Hereditas.
Oui, mais.
Leander est le petit prince de ce petit club restreint.
Pourri, gâté, dont tous les caprices sont exaucés.
Et Ophelia le sait bien, ça, jamais il ne le permettrait.

« Et maintenant ? Soupire-t-elle en l'évitant toujours du regard. Je crois que je vais encore moins dormir à présent. »

C'est donc ça qu'Alyna ressent, lorsqu'elle a Dain dans ses pensées ? Est-ce qu'elle aussi, elle allait finir par devenir un être complètement ravagé, en dehors de toute réalité, niaise à lier ? Elle a un frisson d'horreur. Plutôt se taillader les veines avec une épée.

Dans son monde, entre deux personnes de haut-rang, les affinités se concluent souvent par des arrangements. Des fiançailles sont vite arrangées, et en quelques mois, le souci est réglé.
Des fiançailles.
Il y a cette fille, en Russie. Valerian l'a mentionnée, lorsqu'ils se sont vus au Lac Noir. L'idée avait semblé le contrarier, elle s'en souvient bien. Et Valerian est un homme, il peut faire des choix et aller à l'encontre de sa famille, si la témérité le lui dicte.
L'image de Salazar Serpentard la frappe et fait chanceler ses dernières pensées. Aller à son encontre n'est pas une tâche si aisée.
Elle préfère ne pas y penser. Comme pour Leander, comme pour toutes les autres contrariétés.
Après tout, ce n'est pas comme s'ils allaient se marier.

VALERIAN :

Les doigts de Valerian quittent le visage d'Ophelia pour s'entremêler avec ceux de la rouquine. Il porte ses mains à hauteur de son visage et y dépose quelques baisers, d'une douceur qui ne lui était pas familière. Il n'y peut rien, son corps entier répond à cette vague de chaleur qui le consume, il aimerait déposer ses lèvres sur chaque centimètres carré de la rouquine, et il lui répond, un sourire en coin :

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