L'Éveil du Dragon (Chp 3-1)

193 23 11
                                    

︵‿︵‿୨♡୧‿︵‿︵

Les écailles brillantes de l'œuf commencèrent à se craqueler, et Phénix fût prise d'un sursaut. Alors que la jeune femme le tenait dans ses mains frêles, elle le jeta au sol. Mais la coquille écaillée était si dure qu'elle ne fendit pas plus qu'elle ne l'était déjà. La sphère allongée roula sur quelques dizaines de centimètres et acheva sa course un peu plus loin, contre le sac à dos. Une écaille s'en échappa soudainement, suivie d'une autre. Peu à peu, une forme rappelant étrangement la griffe déformée d'une chauve-souris émergea des fissures de la coque. Une aile se fraya un chemin avec maladresse dans la fente de la coquille écaillée.

Mais c'est quoi ce bordel ! hurla Phénix en appuyant sur chaque syllabe.

Progressivement, comme poussées par un mécanisme invisible, les écailles s'ouvraient pour laisser entrevoir une petite tête noire grotesque, allongée et visqueuse. La créature poussa un petit cri strident. Ses minuscules yeux brillants en amande reflétaient le visage blême de Phénix. Et à mesure que l'animal sortait de son cocon, celle-ci prenait un peu plus de recul, jusqu'à heurter le bord de son évier. Machinalement, elle l'escalada et prit une position défensive.

Elle fit tomber une assiette qui se brisa en mille morceaux, ce qui provoqua un vacarme assourdissant, et la bête tressaillit, avant de pousser à nouveau un cri menaçant dans direction de Phénix. Le pistolet oscilla dans sa prise incertaine, dirigé sur la créature, pourtant elle ne pu se résoudre à appuyer sur la détente.

Elle aurait déjà pu abréger la vie de cet être, mais sa curiosité l'en avait empêché. La petite créature finit par sortir complètement de sa coquille. Et l'œuf changea de couleur immédiatement pour passer d'un noir corbeau, à un blanc cassé, puis, finit par se réduire en un tas de cendres fumant.

La bestiole était entièrement recouverte d'une épaisse substance poisseuse et translucide. Phénix grimaça alors qu'elle posta son avant-bras devant son nez.

Ses yeux noirs et luisants parcouraient l'espace qui l'entourait avec crainte, et elle se servait de sa longue queue épineuse pour se cacher. Phénix s'approcha lentement de la créature qu'elle tenait en joug, l'avant-bras sur le nez, répugnée par son parfum repoussant, un mélange de moisissure et d'œuf fermenté :

— Putain de merde ! mais qu'est-ce que t'es, toi ?

Phénix s'égosilla comme si la créature pouvait lui apporter la moindre réponse sensée. Le petit être brailla à nouveau en direction de la jeune femme, écartant ses deux minuscules ailes tel un paon qui cherche à séduire. Mais il ne cherchait là qu'à l'effrayer. Son regard sombre et transperçant plongea dans les iris émeraudes de Phénix.

Elle l'observa sous toutes ses coutures, et fronça les sourcils. Le corps de la créature se distendait, se tordait en tous sens, et sa nuque s'étira en hauteur. Il poussa un nouveau cri perçant en direction de Phénix, mais cette fois, finit par baisser sa tête au sol, les pattes en avant, tout en fermant ses petits yeux vitreux.

Les poils de Phénix se hérissèrent, et, le souffle coupé, elle tenta d'approcher prudemment sa main. La créature brailla à nouveau, mais cette fois-ci, elle ne maintenait plus le regard de Phénix. Cette dernière comprit que la créature face à elle, aussi repoussante et laide soit-elle, n'avait aucunement l'intention de la blesser :

— Une... Une révérence ? C'est ça ? Je... Je peux te toucher ? Tu ne vas pas me mordre ou me blesser ?

L'animal poussa un léger couinement, et ferma les yeux à nouveau. Phénix s'accroupit et approcha sa main moite. Du bout des doigts, elle effleura les écailles froides. Son autre main était toujours cramponnée à son arme. La créature fit d'abord un mouvement de recul et le cœur de Phénix s'emballa, avant de constater que cette chose avait au moins tout aussi peur qu'elle :

— Je... Je ne vais pas te faire de mal. Regarde, je... Je pose mon arme, d'accord ?

Elle s'exécuta et l'arme à feu vint tinter contre le sol métallique, résonnant comme un son de cloche au milieu de ce silence pesant. Sa main était toujours à quelques centimètres du museau suintant. La créature n'avait de cesse de plonger ses billes noires dans les pupilles dilatées de Phénix. L'animal renifla sa main de part et d'autre, et finit par donner un coup de tête à la jeune femme, à l'image d'un chat retrouvant son maître après une longue journée d'absence. Cette dernière parvint enfin à passer avec prudence ses doigts fins sur le haut du crâne visqueux.

— Des écailles... Des ailes... C'est impossible... Je suis en train de rêver. C'est un horrible cauchemar, et je vais me réveiller, essaya-t-elle de se convaincre.

Phénix croisa ses doigts derrière la tête, tout en mordant nerveusement dans sa lèvre inférieure. Mais l'accalmie ne dura que peu de temps : une lumière aveuglante se mit à dévorer la pièce, malgré les ténèbres qui régnaient dehors.

Phénix et le dernier Dragon - Tome 1, L'Éveil d'Yldren.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant