Phénix et le dernier Dragon - Tome 1, L'Éveil d'Yldren.

Prologue

Décembre 2117, Cold Rock

— Rufus... Tu es sûr que c'est une bonne idée ?

— Je te l'ai déjà dit cent fois : Nous n'avons pas le choix, Joanne ! C'est ainsi, et je ne reviendrai pas sur ma décision, que cela te plaise, ou non.

— Mais enfin ! Ce n'est qu'un bébé, implora la pauvre femme presque genoux à terre.

— Ce... Bébé... Il est le fruit d'une relation qui n'aurait jamais dû voir le jour ! Le monde ne fonctionne plus de cette façon ! Sa place est auprès de son père, à Riven District.

— Et notre fille dans tout ça ? Tu y songes ? Elle va être effondrée !

— Peu m'importe de ce qu'elle pourra penser ou non. Tu ne devrais même pas être ici. Et quoi qu'il en soit, elle n'a que . Et si tu n'avais pas fait germer cette stupide idée dans sa tête, il y a trois ans de cela, nous n'en serions pas là ! Tout ça, c'est ta faute, Joanne. Ce n'est encore qu'une gamine. Je l'avais mise en garde. Mais à mon grand désarroi, comme toujours, cette gosse n'en fait qu'à sa tête.

— Bon sang, mais tu vas lui briser le cœur ! Jamais elle ne te le pardonnera, et moi...

— Quoi, et toi ? Tu penses que ma décision est dénuée de sens ? Que je n'ai pas réfléchi avant de faire le choix de faire ça ? Je vais lui briser le cœur ? Qu'il en soit ainsi. Si c'est le fardeau qui m'incombe, je vivrai avec. Mais cet enfant ne verra jamais, jamais, tu m'entends, la lumière de Brightenway. Elle y réfléchira à deux fois la prochaine fois qu'elle ira à l'encontre de mes règles.

— Nous ne sommes pas obligés d'en arriver là, mon amour...

Mon amour... Joanne n'avait plus prononcé ces mots depuis bien longtemps.

— Si, nous le sommes. Nous ne pouvons pas prendre le risque de la montrer au grand jour. Non mais enfin, Joanne, t'arrive-t-il de réfléchir aux conséquences de ses actes ? Tu imagines un peu de ce que le peuple de Brightenway pourrait penser de l'union de l'un d'entre nous, et qui plus est de notre enfant, avec l'un de ces rats d'égouts ?

— Le peuple de Brightenway pense ainsi, car ton père leur a imposé cette croyance stupide qu'ils n'étaient que des malfrats, des vautours ! Que ces pauvres gens ne venaient que pour nous piller, nous envahir ! Il leur a laissé croire qu'ils étaient différents de nous !

— Et ils ne le sont pas à tes yeux, peut-être ? N'es-tu pas heureuse ? N'as-tu pas la satisfaction de te lever chaque matin sans avoir à te soucier de quoi que ce soit, et ce, grâce à ce que nous avons accompli mon père et moi ?

— Rufus ! Je t'interdis !

Joanne prit un ton plus agressif qu'elle ne l'aurait voulu, et fit un pas en avant, les lèvres tremblantes. Son cœur battait la chamade. Combien de fois son époux allait-il lui souffler qu'il était le grand émissaire de son bonheur ? Combien de fois allait-il la rabaisser et minimiser son rôle dans leur union ? Elle, qui pensait que ce mariage lui offrirait la vie dont elle rêvait. La sécurité, l'amour. Cette vie l'avait en réalité rendue fragile et frustrée.

Rufus ne s'attendait pas à une telle réaction de la part de Joanne, au regard de ses yeux écarquillés. Il posta ses deux mains en avant, et reprit d'une voix plus calme :

— Joanne, tu es l'incarnation même de la bienveillance. Néanmoins, cela... Cela mènera à notre perte à tous. Tu te dois de t'endurcir.

Cette fois, c'en était trop.

— Non ! Ce qui causera notre perte, ce sont tes mensonges ! Tôt ou tard, la vérité au sujet de cet enfant éclatera. Et j'espère ne plus être de ce monde pour le voir.