Maman -2

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Mon petit bébé va mourir.

C'est ce que mon corps m'a hurlé, m'empêchant de respirer, pendant que je me précipitais dans le couloir.

Le fait de ne voir ni Lucas ni Clément m'a littéralement clouée sur place. Il n'y avait qu'une porte jaune à la poignée ronde et sale ouverte contre le mur. J'ai crié. Il s'était passé cinq secondes, et ils avaient tous les deux disparu.

Mes jambes m'ont portée toutes seules jusque dans un escalier froid plongé dans une obscurité totale. Tes enfants sont là-dedans. Ils sont en danger. J'ai insulté mon cœur qui me demandait de reprendre mon souffle et je me suis lancé à leur poursuite en braillant leurs prénoms. Je suis une bonne mère. Cette fois-ci, c'est sûr, je suis une bonne mère. Aucune mauvaise mère au monde ne pourrait éprouver ce que je ressens en ce moment.

"LUCAS ! CLEMENT !"

Les marches ne s'arrêtaient pas.

"LUCAAAAS ! CLEMEEENT !"

J'ai appelé autant que je le pouvais, sans résultat. Il était pourtant impossible qu'ils ne m'entendent pas ; ils venaient à peine d'entrer.

Je ne sais même pas pourquoi je n'ai pas pris le temps de voir où j'étais. Je ne me suis posé aucune question et j'ai couru le plus vite possible jusqu'à ce que je me casse la figure sur une marche en dévers. Mes mains que je tenais devant à tâtons m'ont empêché de me cogner la tête, mais je me suis écorché un genou contre le mur - une sorte de mur en béton hérissé de petites piques, comme un crépi. Ca me fait rien. J'ai refusé de boîter et je suis repartie avec l'image de mes deux enfants chéris qui tombaient dans un puits sans fonds, et j'avais les mâchoires serrées, les poings prêts à frapper dans l'ombre.

J'ai descendu l'escalier pendant une éternité. Cinq minutes, dix minutes, une heure, je n'en sais rien.

"LUCAAAS ! CLEMEEENT ! REPONDEZ-MOI !!!"

"LUCAAAS !"

"JE VOUS EN SUPPLIE, DITES-MOI QUE VOUS ETES LA !"

L'angoisse a fini par tout emporter. J'ai arrêté de respirer, le visage déformé par la peur de les avoir perdus pour toujours, et je me suis étouffée contre le crépi en m'écorchant le bras et le dos.

J'ai senti le sang couler le long de ma chemise comme si la honte sortait de mon corps pressé. Lève-toi, putain. Putain de mauvaise mère. Lève-toi.

Pas besoin qu'on me le dise, merde ! Evidemment que je me suis levée. Le temps de remettre mon cerveau à l'endroit.

Mon petit Lucas...il est parti avec ses chaussons bleus que je lui avais achetés pour ses cinq ans...et Clément...il faut que je lui parle...que je lui parle et que je le prenne dans mes bras, s'il vous plaît, putain, laissez-moi cette chance, laissez-moi cette chance... !!!

J'ai laissé ma peur sur le crépi et je me suis ruée sur les marches suivantes en ignorant le noir, en ignorant mes écorchures, en ignorant que j'étais peut-être en train de devenir folle.



L'escalierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant