Je perds le contact avec ma mère et mon frère dès le moment où j'ouvre cette foutue porte.
Personne ne me croit quand je dis ça, parce que mon frère venait à peine de descendre les escaliers et que ma mère était à trois mètres de moi, dans la cuisine, et que je l'ai sentie se lever au moment même où j'ai appelé Lucas.
Mais c'est vrai.
C'était comme si le fait d'ouvrir la porte nous avait séparés à des années-lumières et nous avait laissés seuls, effrayés, incapables de nous voir et de nous entendre.
Je me suis souvent demandé ce qui se serait passé si j'avais réussi à attendre ma mère.
Au lieu de faire ça, je m'engouffre dans l'escalier. Je suis sûr que si je n'y vais pas tout de suite, Lucas va mourir. Je l'aime, ce petit con. Vraiment. Même s'il me soûle avec ses jeux débiles et son cheveu sur la langue. Mon ventre est tellement serré à l'idée de le perdre que je brûle de l'intérieur. En une fraction de seconde, je revois la totalité de ma vie avec lui. C'est pas des conneries, ça : on dirait un film de vacances de six ans compressé en une seule pensée, claire, où je peux voir son visage me sourire et pleurer.
Avec mon ventre en feu et les yeux qui coulent, je dévale l'escalier sans voir la moindre marche.
"LUCAS !" "LUCAS !" "LUCAAAAAAAS !"
Je pense direct au pire. A un monstre, à un alien, à des hommes en noir venus pour l'enlever et le violer dans les sous-sols d'une cave, même à l'ogre à deux têtes qui est caché dans le coin de sa chambre et qui lui donne des cauchemars.
Je vous jure, ce genre de truc, on le sent.
Les poils de mes avant-bras se dressent tellement sur ma peau qu'ils me font saigner. Plus aucune salive. Je me cogne dix fois, vingt fois contre le mur ; je ne sens rien. Mon corps sait que ce qui est en train de se passer est quelque chose d'horrible, d'ignoble, et je me transforme en une espèce de machine de force et de colère que rien ne peut arrêter. La flamme qui vient de s'allumer est si désespérée qu'elle me donne un courage que je ne connaîtrai plus jamais de toute ma vie.
Dix secondes à peine se sont écoulées depuis que Lucas a disparu dans l'escalier.
Mais il n'est plus là.
Ma chair est en fusion.
Il n'est plus là.
Je dévale les marches, dans un noir si noir que mes yeux n'arrivent pas encore à s'acclimater et voir quelques détails qui m'auraient aidé à ne pas me viander sur les murs.
Je me cogne, encore et encore, je cours, encore et encore.
Où il est passé ?
Bordel, mais OU IL EST PASSE ?
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L'escalier
غموض / إثارةJe lève la tête de la console, j'entends la voix de ma mère dans la cuisine. Elle me dit que le déjeuner est servi. Je gueule que j'arrive. Je bâille. En sortant de ma chambre, Lucas me frôle en criant que je ne le trouverais jamais. Je l'ignore, je...