2016. TW : évocation du suicide
_______________«Prochain arrêt : Victor Hugo»
Je lève les yeux vers l'écriteau lumineux. Ça y est. Dans une demi-heure je serai chez toi. Comme je sens le bus ralentir, je me lève et me dirige vers la porte la plus proche. Puis je descends du bus. Je reste sur place le temps qu'il reparte. J'en profite pour fermer les yeux et respirer un bon coup. Je regarde ensuite ma montre. Quatre heures moins vingt. Aussi ai-je le temps d'aller chez le fleuriste, car c'est un jour important pour toi.
Je prends l'avenue Montmartre et regarde à nouveau ma montre. Quatre heures moins cinq. Un sourire effleure mes lèvres. Que le temps passe vite ! Plus qu'un quart d'heure avant que je ne te voie. Il fait tellement chaud que j'ai peur que les roses que j'ai achetées ne se fanent avant que j'arrive.
Je franchis enfin la grande grille de fer forgé. Cette grille que tu trouvais si belle. Plus que quelques pas mon amour, et je serais enfin là. Puisque je suis en avance, je m'autorise à ralentir en arrivant dans la dernière allée. Tu te souviens, Evangeline ? Cette allée aussi tu la trouvais magnifique. Pas seulement pour son aspect, mais aussi parce que tu trouvais que l'atmosphère qui s'en dégageait était sereine, apaisante, tu disais. Mais c'est toujours le cas je suppose.
Ça y est je suis là. Tu me vois ? Sûrement, de là où tu es. Be ne t'oublie pas. La chaleur qui règne aujourd'hui est telle que ma chemise noire en est trempée. Ce jour-là aussi il faisait chaud, tu te souviens ? Tu rouspétait depuis le matin parce que tu préférais la pluie. Mais tu te rassurais toi-même en disant que s'il faisait aussi lourd, il y avait sûrement un orage qui se préparait là-haut. Et il y a bien eu un orage. Le soir même. Mais toi, tu étais déjà partie. Et moi, je regardai toute cette eau se déverser sur le sol en me disant que tu serais restée là, à contempler jusqu'à ce que la pluie s'arrête. Car tu détestais dormir quand il pleuvait.
Tu me manques tellement. Mais je sais que tu ne reviendras pas. Même si tu le voulais tu ne le pourrais pas. Car les morts ne reviennent jamais, n'est-ce pas ? Ça aussi tu le disais à chaque fois que l'on entrait dans ce cimetière. Maintenant que tu peux rester ici pour l'éternité... Est-tu enfin heureuse ?
Je sens mes forces m'abandonner et me retrouve à genoux devant toi. Excuse-moi. Je te demande pardon. Pardon d'avoir été aussi aveugle. Parce que je n'ai pas été foutu de voir tous les signes que tu m'envoyais, ces signes envoyés avec l'énergie du désespoir, lancés comme autant de bouteilles à la mer. Parce que je n'ai rien su interpréter. Parce que je n'ai pas su prendre soin de toi. Parce que je t'ai laissée agoniser lentement. Parce que je suis un idiot. J'ai l'air malin maintenant.
Plic ploc. De grosses larmes viennent de s'écraser sur la stèle en pierre. Je ne m'étais même pas rendu compte que je pleurais. La chaleur est écrasante, je n'en peux plus. Je crois... Je crois que je ne vais pas tarder à te rejoindre. Ainsi, la bouteille que tu avais lancée à la mer aura enfin atteint son destinataire. Pardonne moi de t'avoir laissée seule si longtemps. Même s'il est un peu tard, j'ai enfin compris le message derrière ton geste. Peux-tu m'attendre encore un tout petit peu ? J'ai quelque chose à terminer d'abord.
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Concours et légendes inachevés
AlteleRecueil de textes rédigés pour des concours, d'histoires courtes et débuts ou morceaux d'histoires en attente. Publiés par ordre d'écriture.