Chapitre 7.I

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Le soleil inondait la ville de sa lumière depuis bientôt deux semaines. Chaque rayon semblait vouloir caresser le monde de douceur et de chaleur pour y apporter joie et réconfort. Jungkook ne ressentait pourtant ni l'un ni l'autre. Une angoisse sourde avait élu domicile dans son estomac quelques jours plus tôt et se faisait de plus en plus lourde et oppressante. L'arrivée de Jimin, trois semaines auparavant, avait fait moins de vagues que prévu. L'assurance avec laquelle Jimin avait expliqué que Jungkook manquait d'enthousiasme, de discussion et de joie et qu'il était normal qu'une telle personne soit seule avait convaincu tous leurs camarades. Jungkook avait haussé les épaules pour chasser le poids de la douleur de son âme.

Observant la danse des ombres des quelques nuages par la fenêtre, Jungkook avait l'impression de manquer d'air. Depuis le début de la semaine, personne ne l'avait bousculé ou insulté. Ses affaires n'étaient pas malencontreusement tombées de son bureau, son sac n'avait pas étrangement disparu de son casier de sport, il ne s'était pas retrouvé enfermé sans explication dans un placard. Jungkook aurait pu croire que chacun s'était juste lassé s'il n'y avait pas eu les sourires et les regards de ses trois démons. Un mauvais coup était en préparation et Jungkook se sentait sur le fil. Le sommeil n'était plus qu'un vague souvenir, la tranquillité de son esprit un lointain rêve d'avenir.

À fleur de peau, Jungkook sursautait à chaque approche, au moindre petit coup de vent dans sa nuque. La présence de Taehyung aurait pu être sa planche de salut si Jungkook n'avait pas fui toute discussion, sourcils froncés et air renfrogné. La crainte de dire les choses, la honte de n'être que la victime de sa propre vie, la peur de voir la nouvelle page de son livre se chiffonner petit à petit, Jungkook ne savait plus comment gérer. Les mots avaient recouvert des tas de feuilles que Jungkook avait hésité à laisser en vue sans jamais y parvenir. Imaginer les grands yeux châtaigne parcourir la noirceur de ses angoisses l'avait sans cesse empêché de le faire. Et, le cœur plus serré que jamais, Jungkook voyait tous les efforts fournis dans sa reconstruction aux côtés de Taehyung tomber en poussière autour de lui à chaque pas.

Le regard perçant de Jimin n'avait pas quitté sa nuque de la journée, Jungkook l'avait parfaitement senti. Jusque là, Jimin s'était simplement contenté de l'observer de loin, discrètement. Et parfois, certain qu'aucun camarade ne pourrait les voir, Jimin avait raccompagné Jungkook chez Taehyung. Une personne charmante et bienveillante, réellement. Ce comportement étrange – cette surveillance bien trop accrue – n'avait contribué qu'à faire grossir l'angoisse qui étouffait déjà Jungkook à moitié. Son âme continuait à s'user. Pouvait-il vivre une deuxième déchirure ? Pouvait-il survivre après avoir dépassé le bout de tout ? La petite flamme qui l'éclairait de l'intérieur vacillait dangereusement. Que ferait-il si elle s'éteignait ? Jungkook avait besoin de Taehyung et de repos. Il avait besoin d'aide. Peut-être oserait-il le prononcer ce week-end, si Taehyung acceptait encore de lui parler après son rejet vif et tranchant. Ce n'était pas certain, Jungkook s'étant retrouvé seul au dîner ces derniers jours. Il se détestait du plus profond de son cœur.

Les mains tremblantes, les nerfs vibrants, les muscles crispés, Jungkook récupéra ses affaires et sortit de la classe dans les derniers, comme toujours, pour se confronter au moins de contacts possibles avec les autres. Il traversa le couloir avec l'envie puissante d'être déjà rentré. Le trajet à venir lui semblait insurmontable. Jungkook posa sa main sur son torse, tentant de tromper son corps. Seule la grande main chaude de Taehyung savait l'apaiser et lui rendre son souffle. Jungkook devait s'excuser. Il avait dû le blesser avec son comportement si fermé. Jungkook n'aurait jamais dû côtoyer une telle personne, il ne pouvait lui apporter que de la peine, de l'inquiétude et des ennuis. Pourtant, l'acidité du manque serpentait de nouveau sournoisement en lui. Son cœur battant trop fort lui faisait incroyablement mal, ce jour-là.

Save me, I'm fineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant