Acte 1 - scène 1

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Une semaine auparavant...

Le soleil brille.

Un doux vent d'été me caresse le visage. Les sacs posés sur la foutas frémissent. Celui en toile de Margot rêve de la suivre. Cette paisible mélodie du vent. Le sac noir, jeté négligemment par Benji, ne trompe personne. Il pue l'envie de virevolter aux côtés des oiseaux. Le sac de plage, orangée, de Maëlle patiente paisiblement. Roulée en boule, la serviette favorite de Marin les observe faire, dédaigneuse. Et puis, à porter de main, mon sac à dos de rando.

Il doit être non loin de dix-sept heures. Je suis seul. Entourés du sable doux et chaud. Parfois, je relève la tête et je les vois. Ils chahutent dans les vagues. Benji, Margot, Maëlle, Marin riant comme des enfants au milieu de l'océan. Ils sont beaux. Leurs peaux bronzées, humides, luisant sous les rayons du soleil – avait-il mis assez de crème ? – et leurs cheveux trempés, emmêlés, graciant le moindre de leurs mouvements. Des dieux. Oui c'était cela, ils ressemblent à des dieux. Des dieux magnifiques. Des dieux intelligents. Mais surtout, des dieux emmerdants. Mais qu'est-ce que je les aime !

J'imagine sans peine leurs réactions après un tel aveu : Margot feindrait d'être surprise « Wow, quelle décla' ! Serais-tu enfin tombé sous mon charme ? », Marin rirait, me décoiffant et me raillant au passage « Et ce n'est que maintenant que tu t'en rends compte. Il t'en aura fallu du temps ! », Benji répliquerait, narquois « Attendez, cela mérite une minute de silence. C'est quand même son premier compliment en dix-huit ans d'existence ! » et puis Maëlle, secouant la tête de dépit devant la bêtise de ses frangins alors que ses yeux brilleraient de plaisir et qu'un sourire apparaîtrait sur son visage. Je secoue la tête. Un timide sourire apparut au coin de mes lèvres.

Je ne l'ai pas fait. Je n'ai pas eu le courage de leur dire. Ni cet après-midi-là ni une seule fois... J'aurais dû. Ce jour-là plus que tout autre.

« Allez l'intello, viens avec nous. L'eau est bonne !

Je ne l'ai pas entendu arriver. Marin. Aussi silencieux qu'un fauve. Il est cet aîné qui inspire respect, admiration et qu'on déteste le reste du temps. Il se poste face à moi, ses cheveux dégoulinant sur mon livre.

— Venir à la plage, oui. Mais passer des heures à lire de la psycho, non ! Viens te tremper un peu !

— Pour que le sable me colle à la peau après ? Non merci.

Il se baisse. Me regarde droit dans les yeux. Le plus sérieusement du monde. Et puis, soudainement, avec un mouvement désespéré des bras :

— Mais tu l'es déjà ! Tu es ensablé de la tête aux pieds espèce de mulet ! Allez, viens !

— Je ne voulais pas venir. Vous m'y avez traîné, répliquai-je en essayant de retourner à ma lecture.

— Pauvre pépère. Il préfère travailler que de passer du temps avec sa fratrie !

— Je n'ai pas le choix.

Il se relève. De grosses gouttes glissent sur l'ouvrage.

— Arrête de t'agiter. L'eau, ça mouille.

— Sans blague, son sourcil se soulève en même temps qu'il me répond, ironique.

— Mon livre, fut ma seule explication.

— Si cela pouvait te faire bouger... »

Je ne réplique pas. Je laisse doucement le silence s'installer. Le rythme régulier des vagues s'échouant sur le sable humide. Je l'entends à nouveau. Marin souffle. Je ne bougerais pas il le sait. Il étend sa serviette à côté de la mienne. Je ne fais plus attention à lui. Mâchouillant mon crayon, je me perds dans les méandres de mes pensées. Le clapotis des vagues, sourdement, me berce. Apaisant. Ils ont bien fait de m'emmener ici. Aujourd'hui. Elle a été la plus convaincante. S'il n'y avait eu qu'eux, j'aurais résisté. Contre cette folle amie, je ne pouvais dire non. Jamais. Depuis notre tendre enfance. Lui résister m'ait simplement impossible.

Au fil des saisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant