Chapitre 4 - Falco

37 10 0
                                    

Le taxi que j'ai pris depuis l'aéroport s'engage sur un sentier fait de petits cailloux. Nous parcourons le chemin bordé d'arbres sûrement aussi vieux que l'immense bâtisse qui se dévoile à mesure que nous approchons. C'est quoi ce délire ? Une des facultés les plus prestigieuses des Etats-Unis se trouve être une sorte de château médiéval ? La bonne blague. Si j'avais pris le temps de me renseigner sur l'établissement avant de venir, je serais au courant, mais l'idée même de me retrouver sur les bancs d'un amphithéâtre à écouter un prof me foutait en rage. J'ai donc opté pour le déni en gardant la surprise pour mon arrivée. Je suis déçu. Je m'attendais à un truc à la pointe de la modernité, à des sas d'entrée où l'on doit prouver notre identité grâce à un laser qui scanne nos pupilles. Ou au moins nos empreintes digitales, merde ! Au lieu de ça, je crois bien que je vais me retrouver avec une bonne vieille grosse clé en fer à l'ancienne. Ça ne m'arrange pas des masses qu'ils soient à la traîne niveau sécurité. Je ferai avec. Ce n'est pas comme si j'avais le choix de toute façon.

Une fois mon chauffeur réglé avec les dollars que j'avais fait changer avant mon départ, je pénètre à l'intérieur, sous les regards des autres élèves présents. Je comprends leur stupeur. Nous n'avons pas le même profil. Je détonne dans le décor. On dirait plutôt que je viens faire régner l'ordre qu'étudier comme eux. S'ils savaient que je suis plus du genre à foutre le bordel que de sécuriser les lieux, ils s'éloigneraient au lieu d'approcher pour voler quelques bribes de la conversation que je m'apprête à avoir avec la personne présente au bureau des admissions.

— Bonjour et bienvenue à Princeton, débite la femme d'une cinquantaine d'années sans jamais se départir de son sourire.

— Falco Dwight.

Son visage se décompose. Son front se plisse alors qu'elle me fixe de façon insistante. Il doit bien y avoir des sportifs tout aussi bien bâti que moi dans cette université, non ?

— Veuillez m'excuser si je commets un impair, mais votre nom ne me dit rien.

— Normal, c'est ma première année et je viens à peine d'arriver.

— Oh d'accord, comme vous vous êtes présenté sans rien dire de plus que votre nom, j'ai cru que je devais savoir comme une évidence qui vous étiez.

Elle s'attendait à ce que je lui dise quoi d'autre ?

— J'imagine que je suis sur l'une de vos listes. Je vous indiquais donc mon identité pour que vous puissiez m'orienter.

— Désolée, je vous ai pris pour ces "fils de" qui n'ont qu'à décliner leur identité pour qu'on leur cire les pompes, se plaint-elle en farfouillant dans ces papiers pour dénicher mon nom.

Je garde pour moi que je vois bien de quoi elle parle. À Centori, tout le monde connaît ma lignée. Et mon rang. Je ne suis peut-être pas celui qui sera à la tête du clan une fois que mon père passera le relais, ça n'empêche pas que je suis plus craint que mon aînée, Francesca. Avec elle, il est possible de parler, négocier ou d'obtenir un délai. Alors que lorsque je débarque, il n'est plus question de discussion. Quoi qu'il en soit, je n'ai jamais joué de l'avantage donné par mon nom. Pire, je méprise ceux qui en usent.

— Voilà, s'exclame-t-elle enfin en sortant une pochette à l'effigie de l'université. M. Dwight, Histoire des Arts.

Elle relève le visage pour croiser mon regard, étonnée. Histoires des Arts ? Je ne saurais dire lequel de nous deux est le plus surpris. Je ne comprends même pas ce que ça signifie. Que va-t-on nous enseigner ? Je n'en ai pas la moindre idée, mais ça me semble être une douce promesse d'ennui profond. Fallait qu'Irina choisisse des études pourries évidemment ! La préposée aux admissions se reprend face à mon silence et me donne un dossier qui contient mon emploi du temps ainsi qu'un plan de l'université. Voilà qui m'intéresse déjà plus. Ça m'a l'air d'être un véritable labyrinthe ici. Il faut que je prenne mes marques au plus vite. En cas de besoin, je dois être capable de nous faire sortir d'ici sans réfléchir à si nous devons prendre à gauche ou à droite. Elle me précise également où se trouve le logement étudiant qui m'a été attribué. Un rire nerveux m'échappe. Je sais que le père d'Irina a fait en sorte que nous vivions sous le même toit. Plus pratique pour que je la garde à l'œil 24h/24 et 7J/7. Je ne perds pas plus de temps et tourne les talons.

Le ProtecteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant