Chapitre 6 - Falco

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Le type me paraît suspect. Gringalet. Les yeux fuyants. Bordel, il rougit même quand Irina et Lily-Rose lui adressent la parole. Il est l'homme parfait pour ne pas éveiller les soupçons. Voilà pourquoi il est dans mon collimateur. J'ai appris à me méfier de tout et de tout le monde. Beaucoup diront que je suis parano, mais je préfère faire un excès de prudence. Aucune envie d'avoir le père Yourenev sur le dos à cause d'un boutonneux que je n'aurais pas pris au sérieux.

— Tu viens d'où ? l'interrogé-je en lui tendant une des bouteilles de bière disposées sur la table.

Lily-Rose s'est fait livrer directement à l'appartement. Elle a des dispositions à ne pas prendre à la légère.

— Lancaster, murmure-t-il de façon à peine audible.

— C'est pas si loin, pourquoi tu ne rentres pas chez toi tous les jours ?

— C'est à une heure de route tout de même.

— Tu étudies quoi ?

— L'ingénierie informatique.

Il parle comme un gosse de cinq ans trop timide, mais il répond du tac au tac. Ça joue en sa faveur. Il faudra que je passe faire un tour dans sa chambre dès que j'en aurai l'occasion pour fouiller ses affaires.

L'air de rien, je passe dans la cuisine pour m'attraper un verre. J'en profite pour abandonner le téléphone portable d'Irina sur le plan de travail. Lorsque je l'ai croisé dans le couloir tout à l'heure, je me suis exprès mis sur son passage pour le lui subtiliser. C'était l'occasion idéale. Après mon altercation avec le russe, j'ai installé un gps dessus afin de savoir à chaque instant où se trouve la fille Yourenev. Ca m'évitera d'avoir à lui coller au train à longueur de journée ainsi et d'éveiller ses soupçons.

— Et si on sortait ? lance Lily-Rose dans un grand sourire.

Putain, ça va pas commencer ! J'ai six heures de jet-lag dans la tronche. Ça m'arrangerait qu'on reste peinard ici pour débuter cette mission de longue durée.

— J'approuve cette idée, se réjouit Irina.

Fais chier ! Il fallait que je tombe sur une fêtarde.

— Tu ne penses pas que tu devrais plutôt ranger tes affaires ? lancé-je à Lily-Rose dans l'espoir de rester à l'appartement.

Je rêve d'une séance de sport pour évacuer mon trop plein d'énergie avant une douche bien chaude.

— Tu es réellement en train de me demander de choisir entre du ménage et une fête ?

Irina pouffe en tapant dans ses mains, déjà surexcitée de sortir.

— Je vais me changer et je te suis, lui dit-elle justement.

— On va où ?

Lily-Rose, qui avait déjà amorcé une avancée vers sa chambre, se retourne pour me regarder, surprise par ma question.

— Tu veux venir avec nous ?

Il va falloir t'y habituer ai-je envie de lui répondre, mais je me contente de hocher la tête avant d'ajouter :

— Jimmy et moi, on vous accompagne.

Comme ça, je vais l'avoir à l'œil lui aussi. Pas question de le laisser seul ici ce soir sans que j'ai eu le temps de mettre en place mes petites astuces pour m'assurer que personne n'a fouillé dans mes affaires.

— Que, quoi ? bafouille-t-il en devenant tout rouge.

Ce type a le mot victime écrit sur le front. Il faut vite que je détermine s'il me prend pour un con ou s'il est réellement un pauvre gringalet timide. Les filles n'attendent pas sa réponse pour partir dans leur chambre changer de vêtements.

— On a tous besoin de faire la fête avant que le premier semestre commence. On restera assez enfermé ici pour étudier ensuite.

— Ce n'est pas mon truc les soirées étudiantes.

— Est-ce que tu es déjà au moins allé à l'une d'elle ?

— Euh... non.

— Alors tu ne peux pas savoir.

Lily-Rose revient au salon, affublée d'une micro robe noire qui laisse peu de place à l'imagination. Faîtes qu'Irina se montre un peu plus raisonnable, par pitié !

— Et puis, qui a dit qu'on allait à une soirée étudiante ? Je connais le videur d'un bar qui nous laissera entrer et consommer sans problème. Je bosse quelques fois là-bas quand j'ai besoin d'argent.

— Tu vends de l'alcool alors que tu n'as même pas l'âge légal d'en boire ? s'étonne Jimmy qui doit avoir l'habitude de ne jamais sortir des clous.

— Non, je ne suis pas serveuse là-bas, lui répond-elle avec un sourire moqueur aux lèvres.

— Qu'est-ce que tu fais alors ?

— Il va falloir que tu nous accompagnes pour le savoir.

Contre toute attente, Lily-Rose m'ôte une épine du pied en attisant sa curiosité de la sorte. Je n'aurais pas pu trop insister pour le faire venir sans que ça paraisse bizarre.

— D'accord, j'arrive.

À son tour, Jimmy disparaît dans sa chambre alors qu'Irina sort de la sienne. Bordel de merde. C'est quoi cette tenue ? Il en manque un morceau, je ne vois pas d'autre explication. Sa robe, enfin si je peux utiliser ce mot, brille de mille feux telle une boule à facettes. Elle révèle son ventre, ses cuisses par des fentes qui remontent bien trop haut. Je déguise un hoquet de surprise par une toux dans mon poing serré quand Irina tourne sur elle-même et dévoile un dos totalement nu.

— Tu es canon, Irina ! Je suis certaine que le patron du bar te proposera aussi de bosser pour lui si tu as besoin de te faire un peu de fric. Tu sais danser ?

Alors là, jamais de la vie ! Il n'y avait pas de directives précises quant à ce que la fille de Yourenev avait le droit ou pas de faire, mais je ne pense pas qu'il appréciera que la prunelle de ses yeux devienne gogo danseuse.

— Oui, mais que pour le plaisir, lui répond-elle. J'ai promis à mes parents de me concentrer sur mes études et en contrepartie, ils veillent à ce que je ne manque de rien.

— Ils font quoi dans la vie ?

— De l'import-export.

Je lâche un rire ironique en entendant sa réponse, ce qui attire le regard des filles dans ma direction.

— Tu ne te changes pas ? m'interroge Irina en détaillant ma tenue.

— Mon tee-shirt et mon jean noirs devront suffire.

— Comme tu es avec moi, ça ne posera pas de problème de toute façon, commente Lily-Rose.

Je me retiens de lui dire que si je n'entre pas, Irina non plus parce que je ne la laisserai pas pénétrer à l'intérieur. Je trouverai bien un prétexte sur le moment si besoin. Jimmy réapparaît avec une chemise qu'il a dû piquer à son grand-père. Putain, je ne sais vraiment plus quoi penser de lui ! Je crois que je lui souhaite presque d'être sous couverture parce qu'être autant à côté de la plaque, ça ne doit pas être facile à vivre. Lily-Rose et Irina grimacent, mais ne disent rien.

— J'appelle un taxi, nous signale celle qui a proposé de sortir, en prenant son téléphone.

Irina m'assène le coup de grâce en enfilant des chaussures aux talons vertigineux. J'avais vu juste en décelant à travers ses photos qu'elle serait une source d'emmerdes. Nous sommes à peine le premier soir et me voilà déjà en vadrouille à devoir surveiller ses arrières. La vue de ce côté-là est aussi intéressante que l'avant, cela dit. La fille Yourenev est encore plus belle que sur les clichés qui m'ont été transmis. Je n'ai peut-être pas le droit de la toucher, mais mes yeux sont indispensables pour mener à bien ma mission. Elle dégage même un certain magnétisme et elle me paraît être une habituée des fêtes si j'en crois la rapidité avec laquelle elle a revêtu cette robe, s'est recoiffée et maquillée. Son père n'a pas jugé bon de nous prévenir de ses frasques. Je croise les doigts qu'une fois que les cours auront démarré, elle se concentrera sur ses études, comme elle a dit l'avoir promis à ses parents.

— Le chauffeur est arrivé.

— C'est parti pour la fête ! s'écrie Irina en terminant sa bouteille de bière cul sec. La première d'une longue série !

Le ProtecteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant