Chapitre 3

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Je suis plus interloquée par la beauté de cet homme malgré les traces de saletés sur sa peau et ses vêtements troués que par son hurlement. J'en déduit par ses cheveux bruns un peu plus long et à la couleur de ses yeux qu'il a un lien de parenté avec le petit garçon. Si c'est le cas, il doit se sentir menacer par moi. De dos, il a dû penser que je faisais du mal au petit. Après tout, je suis une inconnue à leurs yeux.

Mais qu'est-ce que je raconte ?  C'est lui qui devrait se sentir coupable ! Regarde l'état de ton frère... fils ?

- Je ne le répèterais pas, continue-t-il, éloigne toi de lui ! Dégage !

Son ton commence à m'énerver. Je n'ai rien fait de mal après tout, bien au contraire ! J'aurai pu dénoncer cet enfant, ne pas répondre à sa détresse physique. Au lieu de ça, je l'ai nourris et fait l'impasse sur son vol.

- Tu devrais me parler autrement, finis-je par répondre froidement, luttant pour ne pas trembler face à la peur qui m'habite. Avant de m'agresser, repris-je, essaie de t'occuper un minimum de lui comme je viens de le faire.

Lynn, t'aurais dû la fermer.

Sur mes paroles, les iris de l'homme se dilatent et sa mâchoire se contracte. Je viens à l'instant de blesser son égo. Pourtant je ne regrette pas mes mots et il sait que j'ai raison.

L'homme commence à avancer doucement mais dangereusement vers moi, sans me quitter des yeux. Je devrais reculer mais son regard froid m'hypnotise et me paralyse.

Adieu, monde cruel. Ma seule bonne action causera ma mort. Comme quoi, j'avais raison depuis le début.

Soudain, le petit brun se place rapidement devant moi, coupant ainsi la route de l'inconnu qui se stoppe net, dévisageant l'enfant en inclinant la tête. Le garçon tend les bras, comme pour faire un barrage de protection à mon égard.

- Arrête, s'écrit l'enfant à ma grande surprise. Elle est gentille, ne lui fait pas de mal.

Face à sa demande, l'homme bifurque son regard du petit au mien en fronçant les sourcils. Je pensais que le garçon l'apaiserait comme j'ai réussi à le faire avec lui mais à la vue de ses mains qu'il commence à serrer et à ses phalanges qui blanchissent, je me raidis.

- Personne n'est gentil mon grand, essaie-t-il de dire calmement en reportant son attention vers l'enfant, ils cachent tous un intérêt personnel.

Je ricane face à son constat, me valant un regard noir de l'inconnu qui commence à m'irriter.

- C'est l'hôpital qui se fout de la charité ? Je te signale que ton gamin m'a volé mes chaussures. Explique-moi quel intérêt j'aurai à le nourrir après cela ?

L'homme paraît étonné par mon action. Ses points se desserrent instantanément, laissant place à de grands yeux ronds. Pourtant la seconde d'après, son regard redevient menaçant sans qu'il n'ait prononcé un mot. Il est bipolaire ou quoi ? J'ai l'impression que quoi que je dise, il aura une raison de me jeter la pierre. C'est un peu ce que je fais envers eux aussi, non ?

Le bel inconnu reprend sa marche vers moi et s'arrête devant le petit garçon.

- Viens on rentre, finit-il par dire en prenant la main de l'enfant, m'ignorant totalement.

Ce dernier se laisse faire et les deux individus partent dans le sens opposé. Avant de disparaître de mon champs de vision, le petit garçon tourne la tête dans ma direction. Le sourire en coin qui se dessine sur son visage et sa petite main qui s'agite pour me dire au revoir me font fondre. J'ai soudain envie de pleurer. Est-ce le geste du petit qui a l'air reconnaissant de l'aide que je lui ai apporté ? Ou bien qu'il ait pris ma défense face à son... Je ne sais toujours pas quel lien ils ont. Vu le ton employé par l'inconnu, il doit beaucoup tenir à ce petit. Alors pourquoi tu n'en prends pas soin bordel ?

Je me retrouve seule en pleine nuit dans une impasse. Je reporte lentement mon attention vers mes chaussures qui sont toujours par terre. Elles n'ont soudain plus aucun intérêt pour moi.

J'aurai peut-être dû les lui donner. Pour que l'autre crétin en profite ? Hors de question.

Un frisson me parcourt l'échine. Serais-ce dû à la redescente d'émotions ou au froid qui me gifle brusquement les pieds ? 

J'essaie de chasser de ma tête les événements de cette soirée et décide d'appeler un énième taxi, regrettant que monsieur Harinson ne soit pas disponible pour lui raconter ce que je viens de vivre. Il m'aurait alerté sur mon inconscience à déambuler seule dans les rues de Los Angeles et aurait eu raison. Si ce petit garçon ne se serait pas interposé, dieu seul sait ce qu'il me serait arrivée si cet inconnu m'aurait atteint. Il n'aurait pas osé frapper une femme, si ?

"Ne lui fait pas de mal". Les paroles de l'enfant me reviennent en mémoire. J'oubliais que les sans-abris n'ont aucune morale. Ils ont déjà tout perdu, ce qui les rend particulièrement dangereux. Le garçon reste encore innocent et me l'a prouvé ce soir, tout n'est pas perdu pour lui. Si j'essaie de le retrouver, je pourrais peut-être le sauver.

Mais qu'est-ce que tu racontes ma grande ? Ce ne sont pas tes affaires ! Avant cela, tu te fichais éperdument de leur sort !

Je décide d'ignorer mes idées folles et me reconcentre sur ma situation. Je monte dans le taxi qui vient de s'arrêter devant moi. Un homme de type asiatique me sourit quand j'entre dans sa voiture.

- Vous allez bien mademoiselle ? me demande-t-il en croisant mon regard dans le rétroviseur.

- Oui très bien, réponds-je sur un ton glacial.

- Loin de moi l'idée de me mêler de vos affaires mademoiselle, continue le chauffeur malgré mon humeur, mais vous devriez faire attention à vos fréquentations.

Je reste interdite. Cet homme m'aurait-il espionner ? Décidément, je ne tombe que sur des malades ce soir. J'aurai dû laisser le petit partir et m'acheter d'autres chaussures demain sans rechigner, de toute façon elles sont tâchées. A cette heure-ci, j'aurai été tranquillement installée sur mon canapé panoramique en train de lire les derniers potins des célébrités tout en sirotant un bon verre de vin blanc, décompressant ainsi de ma longue journée de travail. Maintenant j'ai une raison supplémentaire de me réfugier dans un peu d'alcool.

- De quoi je me mêle, finis-je par dire, dévisageant à mon tour l'homme par le biais de son rétroviseur.

- Loin de moi l'idée de vous froisser mademoiselle, reprend-il en démarrant le moteur. J'attendais ma prochaine course quand je vous ai aperçu à travers ma vitre parler à ces deux individus. Je ne peux alors m'empêcher de vous avertir.

- Vous les connaissez ? demandé-je, ma curiosité prenant subitement le dessus.

Le visage du chauffeur se ferme en s'insérant dans la circulation, le regard braqué sur la route. Je sens une tension apparaître dans l'habitacle.

- Nous les connaissons malheureusement tous, finis-t-il par répondre à voix basse, comme s'il se parlait à lui-même. Le gang des DarkFire est le plus craint de Los Angeles.

Soulman Dark FireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant