Chapitre 11

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J'ai agi trop vite. Plus je m'approche du rouquin et plus je panique à l'idée de lui parler. Je ne sais pas par où commencer ni quoi lui demander. Pourtant j'ai réellement envie de tirer son animosité envers moi au clair. Il m'évitait à chaque fois que j'essayais. Peut-être a-t-il des aprioris lui aussi ? Dans ce cas, je ne lui en voudrais pas. 

Je décide de lui prendre une bière sur le chemin. Arrivée à sa hauteur, Steven garde le regard perdu vers l'horizon. Quelque chose me dit qu'il m'a entendu arriver mais qu'il a décidé de m'ignorer complètement. 

Je ne me démonte pas et m'assois à côté de lui en tendant le gobelet devant sa tête. Il ne pourra pas faire semblant de ne pas m'avoir vu. Steven daigne enfin porter son attention vers moi en tournant son visage vers le mien. 

- J'en veux pas, laisse moi tranquille.

- Wahou, super l'accueil, réponds-je en posant le verre devant moi. 

- Je ne suis pas dupe. Tu t'incrustes dans nos vies. Tu fais tout pour te faire aimer puis tu manipules les hommes qui t'entourent pour en faire ce que tu veux. 

Je dévisage le rouquin, choquée par l'image qu'il a de moi. Je n'ai pourtant rien entrepris qui aurait pu lui faire penser que j'essayais de manipuler les garçons. 

Le membre des DarkFire soupire, détournant le regard à l'opposé de moi. Son rapide constat sur ma personne me laisse penser que lui aussi a dû vivre des événements marquants. Le meilleur moyen pour qu'une personne hostile se confie est de se mettre à nue. 

- J'ai grandi dans une famille pauvre, commencé-je après avoir bu une gorgée du liquide goût cerise. Mon père liquidait tout son salaire dans l'alcool et ma mère dans ses cigarettes et séances de psy. Quand ils étaient à sec, ils piochaient dans ma bourse universitaire. Mon frère jumeau travaillait dans le bâtiment depuis très jeune pendant que je faisais des études. Il n'arrêtait pas de me dénigrer en prétextant que son métier était le plus difficile d'entre nous et qu'il méritait le respect de tous. Je refusais de finir comme eux. Ils passaient leur temps à se plaindre, plongés dans leurs addictions quotidiennes, sans but ni envie. A chaque fois que je réussissais, ils me rabaissaient en disant que j'avais juste eu de la chance ou alors ils faisaient des blagues lourdes sur le paiement en nature. Mon propre père insinuait que je couchais avec mes professeurs pour réussir là où ils avaient échoués. D'autres fois il me rappelait que mon physique ne suffisait pas à recevoir ces avantages, suivi des moqueries de la part de mon jumeau. Il faut savoir que j'étais en surpoids une bonne partie de mon enfance. Mes parents n'ont jamais pris soin de moi alors je l'ai fait à leur place. Je n'ai rien vécu de réellement traumatisant mais le manque d'amour de la part des seules personnes censées m'aimer que je côtoyais dans ma vie par solitude m'a totalement détruite. Je n'ai jamais eu de marques d'affection de leur part, que du mépris par pur jalousie. Quand j'ai obtenu mon diplôme, je n'ai pas hésité à partir et je n'ai plus jamais eu de nouvelles d'eux. 

J'ingurgite une nouvelle fois ma bière que je finis d'une traite. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas confiée par peur que l'interlocuteur se compare une énième fois ou pense que je me plains pour un rien. Ce sont des remarques que j'ai déjà enduré alors je me suis renfermée sur moi-même en arrêtant totalement d'en parler. 

Le regard toujours en direction de la mer, j'aperçois la main de Steven s'emparer de son verre pour le finir lui aussi rapidement. Je souris, soulagée face à son geste. J'ai l'impression qu'il s'est détendu. Un court silence s'installe après mon monologue jusqu'à ce que le rouquin décide de le briser. 

- Encore une belle famille de merde hein. 

J'acquiesce face à sa remarque, attendant qu'il m'en dise un peu plus. 

- Je vais pas te faire un dessin concernant la mienne. Je suis gay alors je te laisse imaginer le topo. 

Je reste de nouveau silencieuse, ne sachant quoi répondre à part que ce genre de situation ne m'étonne même plus. 

Steven soupire avant de poursuivre. 

- C'est pas contre toi au fond. Comme Logan, j'ai dû mal à faire confiance aux nouveaux venus. Ce n'est pas à cause de ma famille mais par rapport à ceux que j'ai choisi d'aimer contrairement à eux. J'avais une meilleure amie que j'aimais plus que tout. Grâce à elle, j'oubliais mon quotidien de merde après que mes parents m'aient foutu à la porte. Elle m'a donné un toit et un travail. Nous étions colocataires. Cette fille a toujours été géniale avec moi, on ne se disputait jamais. Un jour elle rencontre un garçon dans un bar et passe la nuit avec dans notre appartement. Quelques jours plus tard ce même gars revient et l'attendait dans le salon. Je lui ai proposé à boire et nous avons commencé à discuter. Je n'avais jamais eu d'aventures avant, n'osant pas approcher les autres hommes par peur de me faire rejeter, voir pire. J'ai tout de suite senti une connexion avec lui. Plus nous faisions de sorties tous les trois, plus nous nous rapprochions. Ma meilleure amie m'a un soir confié qu'il lui plaisait. Je n'ai pas osé lui dire que moi aussi je l'aimais alors je lui ai laissé. Malheureusement, ce garçon m'aimait aussi en retour. Elle ne l'a jamais accepté. Quand elle a appris que nous commencions à sortir ensemble, elle a tout fait pour nous séparer, jusqu'à me virer de chez elle et également de son taff. J'ai tout perdu à cause de la seule personne qui m'avait sauvé de ma situation critique. Après ça, mon copain m'a quitté, ne voulant pas se confronter à mes difficultés qu'il jugeait trop compliqué à gérer pour lui. Je me suis alors retrouvé à la rue où j'ai fini par rencontrer les autres. Depuis je me méfie des femmes trop avenantes, même si j'ai tendance à trop généraliser. 

- La salope. 

C'est le premier mot qui m'ait venu à l'esprit. La trahison de la part d'un proche est ce qu'il y a de pire à vivre, surtout quand l'on pense connaître par cœur cette personne, notre confiance aveugle idéalisant celui ou celle qu'on aime. Nous tombons bien bas après cela, ayant des difficultés à se relever d'une telle chute, qui peut s'avérait être parfois mortelle. 

Steven reporte subitement son attention vers moi, ne s'attendant pas à une injure comme moyen de réconfort. Il se met soudainement à rire aux éclats. Je le suis, rassurée que nos échanges changent du tout au tout simplement grâce à quelques confessions. Comme quoi il suffit parfois d'écouter. 

- Je n'aurais pas dit mieux, finit-il par dire. A mon tour d'aller te chercher un verre pour me faire pardonner.

Le rouquin se lève puis part de l'autre côté de la plage. J'étais loin de m'imaginer que le problème se réglerait aussi rapidement. Je suis rassurée. L'envie de solitude s'estompe peu à peu depuis Eric et la rencontre avec le gang. Il y a peu de temps, je n'aurais jamais essayé d'arranger mes relations avec un inconnu. Je n'arrive même pas à savoir d'où m'ait venu cette envie de vouloir parler à Steven. Mon instinct devient de plus en plus incontrôlable, moi qui a toujours aimé avoir le contrôle sur tout. Se laisser un peu aller fait du bien finalement.

Je remonte mes genoux à la poitrine et scrute les alentours. Mes yeux finissent par s'arrêter sur un grand brun tatoué que je ne connais que trop bien, dévorant la bouche d'une superbe femme aux cheveux rouge en bikini. 

Soulman Dark FireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant