JOAN
Tous les êtres humains veulent être extraordinaires. C'est pourquoi j'espère accomplir quelque chose de remarquable avant d'atteindre l'âge adulte. Je crains qu'après la majorité dépassée, je rate le créneau qui me permette de me distinguer des autres et que je sois simplement un humain parmi les milliards qui grouillent sur terre.
Certaines personnes se fichent d'être ordinaires, pas moi.
Mais je n'ai pas encore trouvé dans quel domaine je me démarquerais et ça commence à urger. J'ai seize ans alors le compte à rebours est enclenché.
Marly n'a pas besoin de faire des efforts pour être hors du commun. Ça fait partie d'elle. Je mentirais si je disais ne jamais en avoir été jalouse. C'est pour ça que j'ai volé son stylo magique à l'âge de huit ans. Mais la Directrice m'avait pris à part, dans son bureau situé sur la gauche du hall. Cet endroit est stratégique, lui permettant de travailler tout en surprenant ceux qui auraient l'idée de déguerpir sans prévenir. Elle nous avait surpris Marly et moi plus d'une fois dans nos tentatives de faire le mur.
Nos plans n'étaient jamais allés plus loin que l'allée de l'Orphelinat ; le voisinage ne possède pas de véhicules autres que des calèches traînées par des hongres. Ces derniers sont des chevaux d'ici, aux poils drus, courts sur pattes et aux sabots énormes. Ils sont costauds, fait pour ce climat rude. Marly a essayé d'en voler un à sept ans appartenant à la ferme du bout de la rue. Cet acte, malgré sa défaite, lui avait valu des congratulations pendant trois semaines, la classant directement dans la catégorie des enfants aux forts caractères. La Directrice disait que c'était une mauvaise chose, mais tout le monde pouvait voir qu'elle mentait ; les têtes de mules sont appréciées malgré leurs mauvaises actions parce qu'elles sont différentes et qu'elles osent sans se soucier des conséquences. Si certains parlaient d'enfant difficile concernant Marly, beaucoup la considéraient comme courageuse. Je voulais ça. Je voulais être brave alors la Directrice m'avait fait venir dans son bureau et m'avait expliqué quelque chose à propos de l'amitié. Elle avait dit ;
« Ne considère pas les qualités de Marly comme une menace. Vois le plutôt comme un atout. Vous êtes une équipe. Ce que Marly n'a pas, tu le possèdes et ce que tu n'as pas, elle te l'apporte.
-Sauf qu'elle a tout et que moi je n'ai rien.
-Elle possède peut-être un certain génie, mais également une peur plus profonde. Tu la calme. C'est important, comme rôle.
-Mais je veux être utile à moi-même. Pas seulement à elle.
-La seule raison pour laquelle les gens apprécient Marly lorsqu'elle fait des bêtises, c'est parce que tu es la personne qui leur montre qu'elle n'est pas si mal intentionnée. Je ne parle pas seulement de Marly. Je parle de tout le monde ; tu les vois tels qu'ils sont. Les aspects agaçants, et les aspects merveilleux.
-Marly est intelligente. Elle comprend mieux le monde.
-Et toi tu comprends mieux les gens. »
Je n'avais rien dit pendant un moment. Madame Hermary avait repris ;
« L'amitié ne peut pas être basée sur une compétition constante. Se comparer les uns aux autres est inévitable, car nous sommes humains. Mais n'en donne pas un côté péjoratif. Au lieu de vous diviser, cela devrait consolider vos liens. Marly tient beaucoup à toi. Tu lui permets de garder les pieds sur terre. »
Je tapotais mes doigts sur le rebord de son bureau en chêne quand la Directrice s'était penchée en avant ;
« Maintenant, qu'est-ce que ce stylo a de si spécial pour l'avoir volé ? »

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Les corbeaux blancs
Fantasy"Cet endroit n'est pas ce qu'on imagine, mais par conséquent, nous non plus." Alors que pour la première fois depuis de nombreuses années, une lettre atterrit dans la boîte aux lettres de l'Orphelinat, Marly et Joan vont devoir mener l'enquête sur l...