TROIS

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MARLY

Coucou, c'est moi.

La lettre commence de cette façon. Mes yeux ne quittent pas les mots, noircissant le papier.

En rentrant tout à l'heure au Manoir, tout le monde m'attendait dans le salon. Personne n'a osé émettre une quelconque hypothèse, comme si l'enveloppe renfermait une substance empoisonnée.

Malgré leur insistance, j'ai préféré m'isoler avant de l'ouvrir. Je savais déjà que les écrits dissimulés à l'intérieur m'atteindraient davantage que du poison.

C'est pourquoi, c'est seulement une fois dans ma chambre, sous les yeux des tableaux de Anty et des miens, que je me suis résignée à ouvrir la boite de Pandore. La lettre ne renfermait peut-être pas l'espoir, mais c'était en tout cas l'impression que j'en avais.

Alors que mon regard parcourt de nouveau le paragraphe, je cherche un nom et jusqu'à la fin, je crois qu'il apparaîtra. Cependant, l'expéditeur ne désire visiblement pas que je le contacte. Il ne me dit pas qu'il m'aime, il ne me dit pas que je lui manque et n'explique pas pourquoi il m'a abandonné.

Après avoir relu la lettre plusieurs fois, je commence à me convaincre que j'ai faux sur toute la ligne ; dès la mention de mon nom sur l'enveloppe, mon inconscient a tout de suite pensé à ma famille biologique, mais cela ne semble pas être le cas.

Je parie que tout le monde en bas, dans le salon, est persuadé que mes parents viendront bientôt me chercher.

Je n'y compterais pas. Cette lettre n'évoque rien de tout cela. Elle transmet de drôles de messages qui ne signifie rien pour moi.

Coucou, c'est moi.

Les prochains jours seront énigmatiques. C'est normal et nécessaire. 

Souvent, lorsque certaines choses deviennent confuses, l'essentiel devient très clair.

Tu découvriras des choses abominables et tu devras les taire à tout le monde. Mais tout ira bien parce que je serais là pour toi, d'accord ? Qu'importe ce qui se passe, tu auras toujours une personne de confiance à tes côtés.

Un bruit résonne à la porte de la chambre. Quelqu'un toque contre le bois.

« Marly ? » appelle la Directrice.

Je me dépêche de ranger la lettre sous mon oreiller et récupérer un bouquin qui traine sur le sol. Je m'avance vers la porte et l'ouvre. Madame Hermary, haute et sévère dans son uniforme noir, me toise de haut en bas.

« Comment te sens-tu ? »

Je fronce les sourcils comme si je trouvais la question bizarre.

« Comment ça ? »

Hermary grimace ;

« Les enfants m'ont sauté dessus dès que j'ai franchi les portes de l'Orphelinat. Ils m'ont dit ce qu'il s'était passé. Tu as reçu une lettre, c'est exact ? »

Je n'ai pas réfléchis en cachant la lettre sous mon coussin. Je ne réfléchis pas davantage lorsque je mens de manière éhontée.

« Oh, ça. Faut pas s'en faire. C'est une blague de Joan.

-Une blague ? » répète la Directrice comme si elle n'avait aucune idée de ce que signifiait ce mot.

J'acquiesce avec un rictus ;

« Une plaisanterie, si vous préférez. Allez, avouez que c'est drôle. Elle a réussi son coup. Ça fait jaser tout le monde. »

La Directrice m'observe encore un instant, avant de céder ;

Les corbeaux blancsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant