JOAN
Des bruits d'explosions retentissent dans mes oreilles. Le vacarme est accompagné par plusieurs sabots qui frappent la terre. Et des cris, nombreux et intarissables. Tout cela se mélange lorsque je tire à l'arc.
Madame Hermary m'autorise l'accès au terrain, tôt le matin, lorsque tout le monde dort encore, malgré le fait que l'arrière-cours n'est censé être disponible que pendant les cours collectifs. Aujourd'hui, non seulement les enfants sommeillent, mais en plus, la neige a redoublé d'intensité, ce qui n'incitera personne à risquer un pied dehors. Les flocons se déposent par grappes, effaçant toutes les traces de pas dans la neige.
Malgré la tempête qui enveloppe le Manoir, mon projectile atteint toujours sa cible.
Parfois, j'ai l'impression que les flèches vibrent entre mes doigts, d'une énergie similaire à la mienne, comme si j'y insufflais ma volonté et que l'arc répondait à mon mental.
Parfois, des coups de feu semblent s'accompagner lorsque je tire mon trait et la cible représente davantage la silhouette d'un être humain aux yeux écarquillés, surpris d'être touché en pleine tête, plutôt qu'un cercle en carton.
Entre une inspiration et une expiration, entre deux clignements de yeux, l'air glacé et la neige qui m'entourent se confondent dans un paysage rocheux, désertique et brûlant, mais il disparaît très rapidement.
Je tire de nombreux traits, ne compte pas les minutes qui s'écoulent, quand Charles vient m'annoncer que je suis de corvée pour déneiger l'allée.
Je regagne la porte arrière du Manoir et m'assois sur le banc du petit vestibule. J'y délaisse mes chaussures aux semelles pleines de neige et accroche mon manteau sur le portant. Le tissu est recouvert d'une fine pellicule blanche. Je secoue mes cheveux, mais les flocons, s'y sont déposés, fondent déjà.
Je saisis finalement de mon équipement d'archer, constitué de mon arc et de mon carquois, puis remonte les escaliers, à pas lourds, épuisée par ma session matinale.
Je longe le corridor, l'esprit ailleurs, lorsque j'entends du bruit, provenant d'une des chambres. Mes yeux s'arrêtent sur la porte fermée. En temps normal, je continuerai mon chemin. Après des années à cohabiter, nous apprenons à devenir sourds et aveugles concernant les secrets des autres orphelins, mais cette fois-ci, je m'attarde ; c'est la chambre de Marly. Personne ne devrait s'y trouver. Comme la porte est entrouverte, je la pousse doucement et découvre Mordicus, par terre, plongé dans un amas de livres. On dirait qu'une tornade de pages a envahi les lieux pendant la nuit et Mordicus ressemble davantage à un cadavre qu'à un être vivant, en cet instant.
Il relève la tête. Aucun de nous ne dit rien pendant un moment, puis il me lance :
« À ton avis, qu'est-ce qu'elle entendait par des mauvaises nouvelles ? »
Je hausse les épaules.
« On est censé dire quoi aux autres ? enchaîne Mordicus. Comment peut-on les préparer sans savoir de quoi il s'agit ? »
Je secoue la tête, en grimaçant ;
« Je n'en ai aucune idée. »
Mordicus pousse un grand soupir, son regard se déplace sur les feuilles, éparpillées dans toute la pièce ;
« Les bouquins... c'est la seule chose pour laquelle je suis douée, tu sais ? Et en cet instant, ça ne m'est d'aucune utilité. »
Je désigne l'arc, que je tiens à la main :
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Les corbeaux blancs
Fantasy"Cet endroit n'est pas ce qu'on imagine, mais par conséquent, nous non plus." Alors que pour la première fois depuis de nombreuses années, une lettre atterrit dans la boîte aux lettres de l'Orphelinat, Marly et Joan vont devoir mener l'enquête sur l...