30. Denki x Katsuki

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EFFLORESCENCE

Évidemment, les premières fois, Katsuki l'avait chassé. Mais, évidemment, son patron lui avait passé un savon, ce qui avait, encore une fois, mis un coup à sa fierté.

Aussi avait-il été obligé de supporter la présence de ce nerd qui regardait tout sans acheter à chaque fois qu'un unique petit sachet de graines à 100 yens. Il touchait à tout, il riait sans raison et faisait fuir les autres clients par ses regards insistants.

Mais le patron refusait de le chasser alors qu'il restait pratiquement cinq heures sans rien acheter avant de partir avec son petit sachet.

« J'aurais pu payer un an de loyer en additionnant tout ce qu'il m'a acheté depuis le début. C'est le client le plus fidèle... C'était un aussi employé à une époque. »

Ce foutu gars chelou était donc revenu chaque jour avec son air perdu.

Puis, un jour, pour une raison toute aussi foutrement inconnue et mystérieusement conne sûrement, il avait voulu commencer à parler avec Katsuki. Qui l'avait envoyé bouler, évidemment. Fallait pas abuser non plus.

Mais il était revenu le lendemain avec un sourire gêné, avait squatté le rayon cactaceae pendant des heures et des heures - et il n'exagérait pas, il avait vérifié. Et au moment de payer ses pousses de tomates, il avait à nouveau entamé une conversation avec l'employé qui avait voulu faire comme la veille - sauf que le client avait ignoré ses menaces à peine voilées pour commencer à discuter - à monologuer plutôt.

Et ça avait continué pendant des semaines, jusqu'à ce que Katsuki commence à participer un peu aux discussions. Au début, ç'avait été uniquement celles portant sur les végétaux, répondant aux questions du client qui se lamentait sur ses bégonias ou ses carottes, lui donnant des conseils d'un ton plus ou moins poli. Le sourire rayonnant du client lui était resté dans l'esprit toute la nuit suivante, ainsi que son ton ravi. Le lendemain, il était revenu travailler avec des cernes encore plus énormes que celles des autres jours qui avaient fait rire l'idiot et, évidemment, énervé Katsuki. Le jour suivant, pourtant, il avait apporté une tisane aux herbes qui étaient efficaces contre les insomnies. Le blond avait accepté en râlant par principe mais avait testé le soir même et ça s'était révélé efficace.

Peu à peu, il s'était habitué à la présence de cet imbécile. Il venait le matin, donnait sa tisane à Katsuki, squattait un rayon, prenait son sachet de graines, s'installait à côté du comptoir et commençait à discuter puis partait d'un pas léger. Le blond était devenu pratiquement dépendant de ce nerd.

Il savait même pas comment il s'appelait, mais en était tombé amoureux.

Lui, le grand Katsuki Bakugo, était tombé amoureux d'un fichu nerd chelou. Un comble pour lui.

Au début, évidemment, ça lui avait foutu les boules. Il aimait avoir le contrôle sur tout, absolument tout, alors dépendre d'un gars bizarre qui avait déprimé dans la partie des orchidées lui faisait affreusement peur.

Mais il aimait cette sensation, ce sentiment qui prenait sa poitrine quand il le voyait rire, quand ils discutaient ensemble.

Un jour, il avait commencé à chialer dans le rayon des géraniums et Katsuki s'était tout de suite précipité vers lui en abandonnant le vieillard qui, de toute façon, le saoulait avec ses problèmes de tulipes. Il l'avait amené derrière la caisse, s'était rapidement occupé du vieux puis lui avait apporté un verre d'eau et... Merde, il l'avait même consolé, cet idiot ! 

Et cet imbécile l'avait remercié comme n'importe quel nerd asocial, avait acheté son sachet de graines et était parti... trois heures en avance.

C'était ce jour-là que Katsuki avait réalisé ses sentiments et avait passé la nuit à chercher des légendes et des témoignages d'amour brisé ou non réciproque. Pour se rappeler quelle merde c'était. Il n'avait pas pris la tisane du client et n'avait dormi qu'une heure. Le nerd s'était bien foutu de sa gueule le lendemain, en pleine forme et de bonne humeur alors que lui-même avait des cernes plus grandes que celles de son collègue du week-end. Ça l'avait énervé, bien sûr, et ça avait fait rire l'imbécile. Ce qui avait fait disparaître sa rage.

On pouvait dire qu'ils s'entendaient bien.

Puis le client avait disparu, du jour en lendemain, après presque un an que Katsuki travaillait là. Un an qu'ils s'étaient rencontrés.

Et il avait eu la preuve que rien n'était éternel. Alors il avait pansé ses blessures petit à petit, reprenant ses habitudes d'avant. Il avait encore des insomnies, alors il compensait en lisant des livres mièvres comme "Parfums d'amour", "Nos étoiles contraires" ou "XOXO". Ça le réconfortait un peu, mais il allait quand même pas hurler à la face du monde qu'il lisait des romances passionnées pendant son temps libre.

Trois mois que ça avait duré, trois mois sans le revoir. Et Katsuki avait survécu malgré le fait qu'il croyait mourir de chagrin les premières semaines.

Et trois mois après, l'abruti revenait comme une fleur, lui donnait son infusion et se plantait parmi les rosiers. 

D'abord sous de choc, Katsuki s'était figé.

Puis avait délaissé la caisse - y'avait jamais personne de toute façon - et avait posé sa main sur l'épaule du nerd. Qui s'était retourné avec un sourire interrogateur, les yeux tout rouges d'avoir probablement pleuré. Ça avait retourné le cœur de Katsuki qui l'avait installé sur une chaise derrière le comptoir et était allé lui faire un chocolat chaud, idéal pour la saison.

Le nerd l'avait d'abord regardé avec stupéfaction avant d'éclater de rire et de boire son chocolat, en se brûlant la langue au passage, sous le regard rassuré de Katsuki.

Il ne lui avait pas demandé ce qu'il avait foutu pendant trois mois, c'était pas sa vie et il avait encore trop de dignité pour admettre que cet imbécile lui avait manqué.

Pendant des semaines encore, ils avaient continué cette petite routine.

S'échanger une infusion. Contempler les plants, faire son boulot. Prendre un sachet de graines, l'acheter, le payer. Discuter ensemble. Partir pour l'un, rester à prendre racine pour l'autre.

Et Katsuki avait osé espérer.

Un jour, il lui avait posé la question, qui le préoccupait depuis que l'abruti était entré pour la première fois dans son champ de vision.

"T'as pas d'vie pour la passer chez un fleuriste décrépit ?" l'avait-il taquiné sous couvert de poser enfin la question.

L'imbécile heureux avait éclaté de son rire solaire et avait répondu.

"Si, mais je travaille le plus souvent de nuit, alors ça va !"

"Et pourquoi ici ?"

Le nerd avait sourit, d'un sourire nostalgique écœurant.

Puis avait levé un regard brillant de larmes et de joie pure.

"C'est ici que j'ai rencontré ma femme."

Et Katsuki avait raison.

Son cœur s'était brisé en mille morceaux.

——

Petite explication : 

La femme de Denki (Kyoka) est dans un groupe de musique qui est pratiquement toujours sur les routes. Les trois mois sans qu'il revienne chez le fleuriste, il les a passés avec Kyoka, qui était revenue.

One-Shots My Hero AcademiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant