1 - Dissonance

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Six heures trente

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Six heures trente. Mon téléphone se mit soudainement à faire danser ma table de chevet au rythme de la sonnerie qu'il jouait. Autrefois, cette musique me procurait un sentiment de plaisir lorsque je l'entendais. C'était la raison pour laquelle je l'avais choisie pour m'accompagner de bon matin, afin de débuter mes journées sous le signe de la motivation et la bonne humeur. Mais à présent, je ne pouvais plus l'écouter, ni même l'entendre. Elle me rappelait constamment à l'ordre, sans pour autant me soulager des tracas de la veille. Allez, lève-toi feignasse. Au boulot ! J'aurais tout donné pour m'effacer de cette vie. Rien qu'aujourd'hui. Rien qu'une heure. Si seulement.

J'étais bien dans mon lit. Ou plutôt, pas trop mal, malgré les insomnies récurrentes qui marquaient automatiquement leur passage sous mes yeux tirés. Finalement extirpée de mon lit douillet, mon regard inexorablement attiré par le sol, je saisis un jean délavé et un hoodie dans ma penderie. Dans le reflet du miroir, je ne ressemblais à rien, mais au moins j'étais à l'aise. Comme dans mon pyjama. Je passai ensuite directement à la salle de bain pour rincer mon visage graisseux et attacher mes longues mèches emmêlées dans un chignon. Je descendis les escaliers de mon petit appartement, le bruit de mes pas résonnant dans le silence matinal. La cuisine, semblable à une zone de guerre, avec ses assiettes sales empilées et ses miettes éparpillées, m'invitait à remettre - encore - à plus tard son nettoyage. Une main posée sur mon ventre, je conclus que mon estomac ne comptait pas me réclamer son dû avant la pause déjeuner. Au moins, la pile de vaisselle n'allait pas s'agrandir davantage.

Dehors, le monde grisonnant s'étirait dans une routine familière. Les rues, encore enveloppées de l'ombre de la nuit qui se retirait progressivement, étaient étrangement calmes. Des passants, les visages fatigués masqués par l'anonymat de la vie urbaine, marchaient d'un pas rapide vers leur destination, absorbés tantôt par leurs préoccupations, tantôt par leurs téléphones. Le murmure régulier des voitures qui circulaient créait une symphonie monotone, un fond sonore qui accompagnait ma marche solitaire. Puis, les lumières des lampadaires s'évanouirent lentement, cédant la place à la lueur timide de l'aube qui vint caresser ma joue. Sa chaleur réconfortante m'enveloppait, me dorlotait, m'enivrait. Et au milieu de cette toile mouvante, je continuais mon chemin, une silhouette parmi tant d'autres. Une ombre parmi les ombres.

Arrivée au bureau, cet apaisement se dissipa au contact des sonneries de téléphone et de l'agitation globale que je peinais à intégrer, ponctuée par le tic-tac incessant de l'horloge. Autrefois, j'aimais beaucoup mon travail. Je ne vivais que pour lui et mon épanouissement professionnel, à tel point que je ne comptais pas mes heures. Désormais, mon esprit était prisonnier d'une série de tâches chronophages sans fin. Les sourires forcés et les conversations superficielles au bureau me laissaient une sensation d'isolement, comme si personne ne comprenait ma détresse, ou plutôt, ne daignait la voir et l'accepter. L'idée de passer la journée dans cet environnement devenait de plus en plus insupportable.

Tic-tac.

Regarde-toi, tu ne leur sers à rien. Tu ne sers à personne d'ailleurs.

Plongé dans tes yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant