Chapitre 2 : Seule

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Courir, arriver le plus vite possible, elle laissa tomber sur le sol son bambou, dégarni de tous ses pots, et son bouquet de fleurs. Traversant les derniers mètres qui la séparait de son logis.

Rien que ce qu'elle n'avait imaginé n'était si terrible. Devant elle, les flammes montaient à plusieurs mètres de hauteur, dévorant sa frêle maison de bois de leur appétit insatiable.

Mes parents... mes parents !

- MAMAN ! PAPA !

Elle hurla leurs noms à s'en déchirer les cordes vocales.

Avant qu'elle parte, ils se reposaient dans la cabane, au frais, après avoir été au contact des fours brûlants toute la matinée.

Ils sont forcément dehors, ils sont allés couper du bois... Ils ne sont pas dans la maison... ça va aller.

La cabane de bois brûlait déjà depuis une dizaine de minutes avant son arrivée, la poutre qui encadrait la porte était tombée, rongée par les flammes. Scellant toute sortie.

Émergeant de son état de pétrification, la brune tourna les talons pour aller chercher de l'aide. Une autre odeur fut amenée par le vent, se mêlant à la fumée.

Une odeur organique.

Une odeur de chair brûlée.

S'arrêtant dans son mouvement, Kasumi eut le souffle coupé.

Le déni, sautant comme un bouchon, la vérité se révélant.

Fatale : comme le sort réservé à ses parents.

Et personne ne s'en était alarmé, la fumée s'échappait quotidiennement de cet endroit.

Ses pieds se dérobèrent sous elle et ses genoux touchèrent le sol et les graviers. Ces derniers s'enfoncèrent dans sa peau, mais elle n'y prêta pas attention. Sa vie était en train de s'écrouler devant elle et, elle ne pouvait rien faire. Ou alors plonger dans les flammes incandescentes pour les rejoindre.

C'est pas possible...c'est pas possible... il faut que j'aille chercher de l'aide, on va les sauver, ça va aller...

Se forçant à se remettre debout, elle tituba quelques mètres avant de courir à nouveau pour retourner au village.

Elle traversa le chemin de nouveau puis, entourée du plus de personnes possible, elle cria le plus fort que lui permettait encore ses cordes vocales meurtries :

- MA MAISON BRÛLE ! MES PARENTS ! ILS SONT À L'INTÉRIEUR, J'AI BESOIN D'AIDE !

S'ensuivit une panique générale, tout le monde connaissait la famille Mochizuki, si les parents venaient à mourir, la fille se retrouverait sans rien, et tout le monde se devait de l'aider. Cela faisait partie de l'entraide attendue entre membres d'un même village.

Les personnes disponibles pour aider se précipitèrent à grand renfort de sauts pleins d'eau et autres récipients pour éteindre le feu.

Malheureusement, même avec toute l'aide du monde, les parents de Kasumi n'auraient pas pu être sauvés.

Leurs corps calcinés avaient été retrouvés dans les restes de leur maison, une fois le feu éteint, au matin. Tous avaient espéré qu'ils soient décédés étouffés par la fumée pendant leur sieste. Au moins, ils n'avaient peut-être pas souffert. Nul doute que Mei et son mari auraient été soulagés de savoir leur fille épargnée par la catastrophe.

Le temps avait passé et Kasumi s'était remise peu à peu de la blessure du deuil.

Elle fut encore bénévolement aidée par les habitants du village qui l'aidèrent à reconstruire planche par planche une maison de forme convenable pour qu'elle puisse y vivre, même seule.

Entre-temps, elle avait emménagé chez Reiko. Sa maison était une de ces celles un peu biscornue, et plutôt grande, dont les poutres de bois servaient de repaire aux chats faisant escale comme elle, ici. Les panneaux de papier ornés de dessins et le bois sombre apportaient charme et chaleur à leur logis. Une odeur d'encens et de thé flottait continuellement dans l'air ambiant. La famille Hoshinou était plutôt aisée et exportait son thé partout dans le pays.

Elle travaillait deux fois plus que ce qu'elle faisait en temps normal, aidait au commerce du thé, de le cultiver, de le vendre avec son amie. La maison était toujours pleine de vie, les deux frères de la fille aux cheveux châtains, plus vieux, n'avaient pas perdu leur âme d'enfant. Ils essayaient tant bien que mal de remonter le moral de leur protégée, pour lui faire oublier un peu, la tristesse de la perte de ses parents.

Après plusieurs mois, la cabane de Kasumi fut enfin achevée, elle y entra avec un peu d'hésitation, elle n'était quasiment pas meublée, mais les volumes étaient presque les mêmes. Elle s'était donc installée, seule. Dans le silence et la nuit noire, elle resta, elle et ses pensées.

Je sais façonner, je sais cuire, je sais faire les derniers détails esthétiques et je sais vendre... je peux reprendre l'entreprise familiale. Ça sera triste et je parlerai plus à maman, ni papa... je verrais plus mes parents... ils sont là, dehors, mais ils ne me parleront plus. Maman, papa... Les larmes montèrent, embuant la vision de l'orpheline.

Elle serra contre elle une couverture pour essayer de combler le vide qu'elle ressentait, pour finalement sombrer dans les tréfonds du royaume de Morphée.

L'aurore aux couleurs pastel pointa le bout de son nez au chant des oiseaux, le lendemain. Kasumi essaya de se remotiver et de se remettre à la poterie. Pour cela, il faudrait racheter l'équipement nécessaire, tout avait disparu dans l'incendie... toute une vie, balayée en une étincelle, attisée par le vent. Mais où trouver de l'argent ? Elle n'avait rien...

Allez, finit de déprimer, tu n'es pas comme ça Kasumi, reprends ta vie en main ! Se persuada-t-elle.

Elle se leva rangea les tissus de son lit et attacha ses cheveux couleur charbon en une queue de cheval. Elle s'habilla de manière pratique et confortable puis alla au village pour se renseigner.

Elle croisa Aki sur son chemin et ce dernier marcha un peu avec elle jusqu'au majestueux cerisier, au tronc noueux d'ancienneté.

Elle alla se renseigner sur ce qu'elle pouvait bien vendre ou faire pour gagner de l'argent.

Ce qui était sûr, c'est qu'il fallait qu'elle travaille.

Elle s'avança vers un homme qui chargeait du bois dans une charrette, attelée à une mule, devant sa propriété.

- Excusez-moi ? l'interpella-t-elle, je cherche du travail, est ce que vous en auriez à me donner ?

- Je suis désolé, Kasumi, mais je ne peux pas t'embaucher, je suis assez pauvre comme ça donc le peu d'argent que je gagne revient à ma famille, tout le monde est bien assez occupé au village, tu devrais chercher plus loin, conseilla le vieillard.

Ce qu'elle fit, un goût amer dans la bouche.

La vie n'était pas facile, elle se dressait devant vous, inébranlable et vous remettait à votre place si vous osiez vous sentir supérieur à elle.

L'adolescente marcha plusieurs heures sur les chemins jusqu'à trouver un groupe de maisons, entouré de rizières.

Aucun bruit ne filtrait, même les oiseaux semblaient avoir déserté l'endroit.

Elle s'avança, vers l'une des bâtisses dont la porte était entrouverte et demanda :

- Bonjour ? Il y a quelqu'un ?

Le silence était écrasant, tout comme la chaleur de l'été qui commençait à arriver sournoisement.

Elle poussa légèrement le battant, mais il n'y avait personne dans cette maison. Une odeur putride y régnait, comme si un animal était allé pourrir ici, il y faisait sombre. Kasumi porta la main à son nez pour essayer de supporter l'odeur, elle leva la tête...

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Je ne sais pas trop quoi vous dire honnêtement, alors j'espère que ce second chapitre vous aura plut, et à la semaine prochaine !

Lost in the mist (Muichiro Tokito x OC )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant