𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏

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2 mois après l'accident.

Vancouver, Canada.

Aylin

« On naît seul et on meurt seul. »

Lorsque j'ai lu cette phrase pour la première fois, elle a retenti dans tout mon esprit, jusqu'à devenir une certitude.

Je suis née seule et je mourrai seule.

Parfois, il nous arrive un enchaînement de mauvaises choses. Que ce soit des blessures, une rupture, un échec. Mais ils se suivent tous de près, l'un après l'autre, comme si c'était pour nous achever. Au point qu'on en arrive à se demander si le monde n'est pas contre nous, si ce n'est pas un horrible cauchemar éveillé. C'est mon cas tous les jours depuis deux mois.

Ma haine envers ma propre vie ne fait qu'augmenter, inexorablement. Je déteste, non, j'exècre le destin de toute mon être. C'est à cause de lui si on m'a tout pris, si une peine immense creuse un trou béant dans mon cœur.

À mon réveil, mes paupières s'ouvrent, bien qu'elles pourraient tout autant rester closes. Le paradoxe de cette action me pique toujours un peu à vif. Le ciel est bleu, l'herbe est verte, les nuages sont blanc ou gris, la terre brune, l'eau bleue ou transparente, mais tout ça n'est plus à ma portée de toute façon.

Pour ma part, tout est noir.

Enfin, mis à part les quelques points lumineux que j'arrive encore à percevoir dans les endroits bien illuminés. Inconsciemment, je me répète ces mots tous les matins, pour être sûr de ne jamais oublier ces couleurs. Celles que je ne reverrai probablement plus jamais. La tristesse m'accompagne partout, telle une fidèle compagne. C'est un bouleversement sans pareil que de perdre un sens.

Le pire, c'est quand les gens me demandent trois fois par jour si ça va, comme si ça les intéressait vraiment. Comme s'ils pouvaient faire quelque chose pour que j'aille mieux. On répond tous oui à cette question sans en penser un traître mot, car c'est devenu un réflexe. Mais très peu d'entre nous vont bien en réalité. Répondre non serait malpoli ou attiserait la pitié des gens, viendrait alors le moment où l'on devrait expliquer le pourquoi du comment sans en avoir forcément l'envie. On choisit donc de se réfugier dans le silence avec comme seule compagnie nos propres problèmes.

Cacher mes émotions est une seconde nature chez moi. Je préfère m'adapter aux attentes des autres. Cela ne veut pas dire que je ne suis pas honnête, juste que je le suis quand c'est réellement nécessaire. De toute façon, il ne faut pas tout le temps l'être. Parce que la plupart du temps, les gens ne cherchent pas à ce que notre réponse soit sincère. Le dicton : la vérité blesse n'a pas été inventé pour rien.

Les mensonges permettent de mieux endurer la vie.

Puis, je ne me vois pas dire à ma mère que ma vie m'est insupportable. Que non, ça ne va pas. Que parfois, je préfèrerais ne pas me réveiller le matin. Jamais je ne lui dirais tout cela. Elle le verrait comme une preuve de faiblesse, elle me trouverait lâche. Elle aurait honte de moi.

C'est elle qui m'a appris que montrer ses failles revenait à se tirer une balle dans le pied. Car selon elle, tôt ou tard, on l'utilisera contre moi. Elle a raison, je suppose. Mais à force de me méfier de tout le monde, je risque de finir toute seule. Ma condition me fait beaucoup souffrir, mais je ne veux pas le montrer. Je ne veux pas que ça se voie, que les gens me prennent en pitié.

Une fois mes réflexions matinales terminées, je me lève, puis me prépare. Je récite ensuite mon mantra en chuchotant pour me donner de la force. Pourquoi attendre que quelqu'un nous fasse un compliment quand on peut le faire soi-même ?

BLINDLY [Sous contrat d'édition chez &H]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant