Vancouver, Canada
Aylin
Il m'a envoyé un message pour m'avertir qu'il était devant la porte. Le mot stressé serait un euphémisme pour décrire ce que je ressens. Son appel a eu l'effet d'un électrochoc, comme si toute la fatigue que je ressentais s'était fait la malle. Malgré l'appréhension qui me pèse, je décide de suivre mon instinct.
Après avoir prévenu ma grand-mère que je sortais quelques instants, je crisse des dents et rejoins Miller. Tout va bien se passer, même si je suis tout sauf en état de discuter de la scène des vestiaires. Je préfèrerais faire comme si elle n'avait jamais existé. En ce moment, j'ai déjà assez de problèmes, je n'ai pas besoin de me rajouter une autre charge mentale.
Dehors, l'air est glacial, j'aurais dû penser à prendre une veste. Tant pis, de toute façon, ce n'est que l'affaire de quelques minutes.
— Alors, de quoi tu voulais me parler ? lancé-je sans perdre de temps.
— Comment tu vas ? rétorque-t-il, soucieux.
Mes sourcils se froncent et mon cœur rate un battement. Sa question me surprend, je ne m'y attendais pas, pas de sa part en tout cas. Je frotte mes mains sur mes bras pour essayer de me réchauffer un peu. J'hésite à être honnête, même s'il doit connaître la raison de mon absence, comme tout l'établissement.
Déjà que je suis la pauvre fille qui est devenue aveugle après un accident, maintenant, les étudiants vont encore plus me prendre en pitié. J'entends déjà la voix insupportable de Rose en train de se moquer de moi.
— Écoute, j'essaye de tenir le coup, soufflé-je, en mordant l'intérieur de ma joue pour ne pas pleurer à nouveau.
Verser des tonnes de larmes, voilà la seule chose que je sais faire. Je me suis déjà assez laissé aller pour aujourd'hui.
— T'es sûre ? réplique-t-il, inquiet.
Encore une fois, je le sens différent. D'ailleurs, Miller n'évoque pas ce qu'il s'est passé dans les vestiaires. Ce qui est étrange, le connaissant, il devrait déjà me taquiner sur ça depuis longtemps. Tant mieux, je ne vais pas m'en plaindre. Pour une fois qu'il me laisse quelques instants de répit.
— Pourquoi tu me demandes ça ? ajouté-je, intrigué. T'aurais une solution miracle pour que je me sente mieux ?
Il ne répond pas tout de suite. Il semble hésiter, c'est alors que soudain, il m'attrape la main et commence à me tirer. Nos pas lents écrasent les feuilles mortes. Étrangement, ce son m'apaise. Mais mon anxiété ne perd pas de temps pour me réveiller.
— Où est-ce que tu m'emmènes ? sifflé-je, d'un ton hébété.
La panique monte en moi. Ma difficulté à faire confiance aux gens se manifeste de plus en plus souvent. Avec toutes ces menaces, je commence à me méfier de tout le monde. Puis, c'est un homme, qui me dit qu'au fond, il n'est pas comme Pierre. Sans parler du fait que je ne vois rien.
Pourtant, malgré cette angoisse persistante qui me tiraille de l'intérieur, je continue de le laisser me guider. Alors que je tremble de froid, je sens qu'on dépose quelque chose sur mes épaules. Une veste en cuir je dirais, si je me fie à mon touché.
Mes joues s'échauffent suite à ce geste affectueux qui ne lui ressemble pas. Sa paume dans la mienne, nous marchons quelques instants sans discuter. Dans le paisible silence de la nuit, seulement entrecoupé par nos respirations. Peut-être même que les étoiles nous observent de là-haut.
Cette soudaine proximité entre nous me déstabilise. Mais je n'ai aucune raison d'y mettre un terme. Il ne fait rien d'autre que de me tenir la main. Ça me plait, cette part de lui me plait. C'est si bouleversant de me dire que ce petit moment hors du temps est exactement ce dont j'avais besoin.
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BLINDLY [Sous contrat d'édition chez &H]
RomanceDans le noir, le moindre faux pas peut s'avérer fatal... Juste avant d'entamer sa troisième année de psychologie, Aylin voit sa vie bouleversée à jamais par un terrible accident qui la prive de sa vue. Alors qu'elle tente de trouver ses repères dans...