BLINDLY [Sous contrat d'édition chez &H]

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟗

Vancouver, Canada

Aylin

Ravagée par ma défaite, je n'arrive même pas à pleurer. Je suis figée sur place. À terre, telle la misérable et pathétique personne que je suis. Non, mais qu'est-ce que je croyais ? Que devenir aveugle n'allait rien changer et que je resterais toujours la meilleure ?

Ne pleure pas, ne pleure pas, ne pleure pas.

Aucune défaite ne m'avait fait autant de mal auparavant. Peut-être car je sais pertinemment que si je n'étais pas handicapée, j'aurais réussi sans difficulté. Les souvenirs du passé agissent comme des aiguilles qui me piquent pour me rappeler ce que j'ai perdu.

C'est un cauchemar, je ne peux pas le croire. Fini la bourse, terminé mon expérience à Rivera. Après tous mes efforts pour me faire des amis. Malia, Alice, Lucas, je vais tous devoir leur dire au revoir. Miller aussi. Encore une fois, on me vole mon bonheur.

Personne n'en a connaissance, mais mon père a accumulé d'énormes dettes ces dernières années. Et il ignore le fait que je suis au courant. Il y a deux ans, j'étais à la recherche d'une agrafeuse et je savais qu'il en avait une dans son bureau. J'ai donc fouillé un peu partout pour la trouver. Mais ce sur quoi je suis tombé n'était pas du tout ce à quoi je m'attendais. Des milliers et des milliers d'euros à rembourser.

Bien sûr, je n'en ai parlé à personne, j'avais honte de ma découverte. À ce jour, je ne sais toujours pas s'il a trouvé un moyen de tout régler, je ne pense pas. Sinon l'annonce des coûts pour mon opération ne l'aurait pas autant embêtée.

Payer pour mon éducation n'est donc pas dans ses priorités. Il avait déjà essayé de me dissuader de continuer mes études ici à cause du coût. J'ai donc trimé pour avoir une bourse. J'ai sué, dépassé mes limites, poussé mon corps dans ses retranchements les plus profonds. Tout ça pour rien finalement.

Mon père ne me soutiendra pas. Mes études ne sont pas importantes à ses yeux, je ne suis qu'une fille après tout. Une fois mariée, je devrais dépendre de mon mari et lui obéir. Je devrais accepter d'être engrossée, de cesser toutes activités pour me consacrer à mes enfants. Donc, pour lui, mon cursus scolaire n'est qu'une lubie sans intérêt.

La rage me consume. Je ne peux pas avoir perdu. Je ne veux pas le croire. Après tout ce que j'ai fait pour garder ma place ici, ça se finit de cette façon. Minable. Il n'y a pas d'autres mots pour décrire ma situation. Je déteste ma vie. Et j'abhorre chaque personne ayant la chance de vivre comme elle l'entend sans dépendre des autres. Tout ça, c'est à cause de cette moto, à cause d'Alya et de sa fête débile. À cause de Miller, à cause de Malia. À ce rythme ma haine risque de déborder de mon cœur.

La seule fautive c'est toi Aylin, me blâme ma conscience.

Non. Pour une fois, je suis fatiguée de tout le temps m'en vouloir. J'ai envie de rejeter la faute sur quelqu'un d'autre. Même si je sais que c'est inutile. Je n'arrive plus à supporter cette pression. Surtout quand elle s'accompagne d'une si grande déception. C'était une erreur de croire en moi. Je ne suis qu'une incapable.

— Attendez, s'il vous plait, hurle l'arbitre dans le micro. Il y a eu une erreur.

Aïe, mes oreilles, connard.

Attend quoi ? Une erreur ? Peu m'importe, les faux espoirs sont bien pires que la défaite. Je veux juste rentrer chez moi, vite ou je vais craquer devant tout le monde.

— J'ai... J'ai commis une erreur, admet-il en bégayant. La troisième place revient à Aylin Yildiz et Malia Nayape le duo guide aveugle de l'établissement Rivera, félicitations et encore désolé.