Vancouver, Canada.
Aylin
— Tu es sûre que c'est prudent, Alya ?
Alors que nous sortons de l'anniversaire d'un ami de ma cousine, j'essaye de m'assurer qu'elle est en état de conduire. L'air parfois absent et les yeux rougis, elle me garantit pourtant que tout va bien. Et pour preuve, d'une voix un peu chancelante, elle me lance :
— Regarde ! Je marche complètement droit, c'est bon, Aylin.
Nous déambulons dans la rue noircie par la nuit déjà tombée et je ne sais absolument pas quoi faire. Elle m'a l'air quand même bien éméchée. Remarquant mon air dubitatif, je l'entends souffler, puis me regarder.
— Sors-toi ce balai du cul, Aylin, raille-t-elle en me frappant l'épaule. Ce n'est pas parce que j'ai un peu picolé que je ne sais plus conduire.
Malgré le malaise qui commence à se répandre en moi, je lui emboite le pas. L'appréhension qui grandit me pèse un peu plus à chaque seconde que nous passons ensemble. Lorsque je nous regarde, la vérité s'affiche alors bien plus réaliste que je ne le voudrais : je n'ai pas le choix.
Pour commencer, je suis à une fête à laquelle je ne connais personne. Ensuite, je n'ai pas le permis. Pour finir, je suis épuisée. Et là, tout de suite, ma seule envie est de rentrer chez moi le plus rapidement possible afin de plonger sous mes draps et de m'y blottir pour m'endormir. Donc, pour une fois, je fais preuve de résilience et la laisse récupérer ses clés que je lui avais confisquées jusque-là.
— Merci bien, maugrée-t-elle en me lançant un regard mauvais. C'est quand même fou. Je te remercie de me rendre des clés qui m'appartiennent. Bref, allons-y.
Un souffle d'exaspération quitte mes lèvres, puis j'entre dans la voiture. Elle pense que c'est facile pour moi. Ce n'est pas ma faute, si je m'imagine constamment le pire. J'aimerais vraiment ne pas craindre autant la mort. L'étrange sensation de voir cette silhouette encapuchonnée rôder en permanence autour de moi, prête à me faucher à la moindre occasion, me consume.
Une fois dans l'habitacle, elle attache sa ceinture — ce qui me soulage un peu — puis insère la clé dans le démarreur, met le contact, abaisse le frein à main et s'engage sur la route. Mes yeux scrutent chaque étape avec précision, effrayés à l'idée qu'elle en saute une.
— Et c'est parti ! s'écrie-t-elle, pleine d'énergie.
Alya enfonce son pied à fond sur l'accélérateur et l'aiguille du compteur kilométrique grimpe avec une rapidité fulgurante. Les battements de mon cœur, eux, accélèrent au fur et à mesure que la voiture prend en vitesse. L'anxiété m'accable et mes doigts agrippent le siège de toutes mes forces, comme si c'était ma bouée de sauvetage au milieu d'un océan déchaîné. Comme si c'était mon seul moyen de survivre.
Elle s'insère très vite sur l'autoroute. Ma vigilance redouble à la moindre voiture qui s'approche un peu trop près de nous. J'ai lu quelque part que plus on roule vite, plus on a de chance d'être gravement blessé si un accident se produit. Le paysage défile avec une rapidité étourdissante. Au point que mes yeux ont à peine le temps de se poser sur l'éolienne que j'aperçois au loin. Notre distance de la barrière de sécurité est convenable, cependant, je continue d'être sur mes gardes.
À l'aide de longues respirations, j'essaye de me détendre. Tout en me repositionnant sur le siège, je desserre ma prise sur ce dernier. Les tremblements de mes mains se sont un peu calmés. Mais j'ai beaucoup de mal avec les voitures. Il m'arrive souvent de faire ce cauchemar où je me retrouve derrière un volant et perds le contrôle. C'est tellement stupide, car je n'ai encore jamais conduit. Pourtant, cela ne m'empêche pas d'être stressée.
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BLINDLY [Sous contrat d'édition chez &H]
Storie d'amoreDans le noir, le moindre faux pas peut s'avérer fatal... Juste avant d'entamer sa troisième année de psychologie, Aylin voit sa vie bouleversée à jamais par un terrible accident qui la prive de sa vue. Alors qu'elle tente de trouver ses repères dans...