Confidences et actions en famille

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            Sans réfléchir, je me jette dans la chambre de Cynthia : je la trouve en sous-vêtements dans son lit, en train de lutter contre un démon. Ce qui a d'abord été un beau gosse, apparemment, ouvre maintenant une bouche énorme, ronde, et pleine de crocs ! Il tourne des yeux reptiliens vers moi : il m'a reconnue. Il abandonne ma sœur et bondit sur ses pieds. Et il est entièrement nu, quelle horreur ! Il tente une attaque vers moi, je m'esquive sur le côté, mais il est ultra-rapide ! Il m'envoie son pied dans les côtes, m'envoyant bouler contre la porte-fenêtre. J'en ai le souffle coupé. Cynthia essaye de se jeter sur lui, il la repousse comme un insecte, elle glisse sur son plancher. Cette fois, je suis fichue : il s'approche de moi, lentement. C'est la fin, c'est sûr !

— Eh, le monstre !!!

Tim ?! Je l'avais presque oublié ! Il est si furieux, et effrayé, que son cri se mue, sous nos yeux ébahis, en une gerbe de flammes ! Le monstre s'embrase dans un grand cri inhumain et, sous le souffle du feu, est propulsé au-dessus de moi à travers la porte-fenêtre, la brisant en mille morceaux. En se débattant, il tombe et s'écrase en bas, où il finit de se consumer. Tim se laisse tomber sur les genoux, tout essoufflé. J'enlève lentement les mains de ma tête, je me redresse, et me hâte vers lui pour le prendre dans mes bras. Il reprend ses esprits lentement.

— J'ai eu la trouille... de ma vie ! articule-t-il.

Mon tout petit frère de sept ans vient de nous sauver la vie ! Je n'en reviens pas ! Tu parles d'une frousse... Ce monstre était de loin le pire que j'aie vu jusque-là. Le plus dérangeant ! Son image me reste imprimée sur les rétines. Heureusement, mes parents ont bien formé mon petit chef ! Et cette andouille d'Alex, où est-il ?

— Je l'ai cherché, mais je l'ai pas trouvé, souffle Tim.

C'est une blague ?! L'important, c'est que Tim aille bien. Je m'excuse auprès de lui, même s'il ne semble pas comprendre pourquoi. Et Cynthia ? Je me lève difficilement, encore douloureuse après le coup de savate que j'ai reçu. Ma sœur a refermé la porte de sa chambre et s'est vite rhabillée, avant de s'assurer que nous ne sommes pas blessés. Tu parles, c'est à elle qu'il faudrait poser la question ! Elle s'est cogné la tête dans sa table de chevet sous le coup du démon, elle a un œuf qui pousse déjà sur le front. Elle a l'air dans tous ses états. Et on peut le comprendre : votre coup d'un soir s'est souvent transformé en grosse bestiole pleine de crocs prête à vous dévorer, vous ?

Je jette un œil au dehors : plus rien ne subsiste du démon calciné. Aucun invité ne semble avoir remarqué quoi que ce soit. Peut-être ont-ils tout juste entendu le bris de verre ? Quand enfin Cynthia s'oblige à descendre, ses amis se jettent sur elle, lui demandent où elle était, l'une d'elle lui demande même si c'était bien avec le playboy. Et Cynthia fond en larmes. Bien, bravo ! Génial ! Je sens la colère monter. Trop, c'est trop ! Je ne suis plus à ça près, après tout : je hurle, en coupant la musique, je chasse tout le monde, je mets à la porte toutes ces pimbêches, ces types bourrés, tous ! Qu'ils dégagent ! Seul Alex reste près de nous. Quand il a l'outrecuidance de me demander si on va bien, c'est un peu fort :

— On a l'air d'aller bien ?! je crie. On a failli être tuées ! On a mis Tim en danger ! Tu étais où, hein ?! Tu sais quoi, je ne veux pas le savoir ! Toi aussi, rentre chez toi. Ou va où tu veux, je m'en fiche. Va-t'en.

Il me toise soudain, de son visage couturé de coupures. Il a l'air énervé, lui aussi. Soudain il tourne les talons, et sort à son tour, nous laissant tous les trois dans un salon dévasté par une bande de jeunes irrespectueux, inconséquents et ivres, abandonnant un enfant dépassé, une traumatisée, et une ado stupide au cœur brisé.

Après avoir convaincu Tim d'aller au lit, l'avoir bordé en lui promettant que tout irait bien car les parents allaient rentrer bientôt, je m'attelle à ranger la maison, jeter les ordures, mettre de l'ordre. Comment fait-on pour mettre un cirque pareil en une poignée d'heures ? Quelle bande de sagouins ! Cynthia essaye de me donner un coup de main, mais pour chaque canette qu'elle fiche à la poubelle, elle pique une crise de nerfs et pleurniche. Soudain, j'ai une idée.

Les ClésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant