Et soudain tout bascule

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La sonnette de la porte me réveille brusquement. Je me débarrasse de ma couette pour me poster au-dessus des escaliers et écouter qui mes parents tirés du lit font entrer à six heures du matin.

- Ta fille ! s'écrie Hans Brückman, directement. La Néfaste !!! Et vous ne me le dites pas ?! C'est quoi, votre problème ?

- La ferme, coupe posément mon père, d'une voix froide. Tu vas réveiller tout le monde.

- Et tu crois que ça m'intéresse ?

- Tu baisses d'un ton, ou je t'y contraindrai.

Hans et Éric se toisent une seconde. Le premier est rouge de colère, le deuxième se tient droit, inflexible. Enfin le leader cède.

- Vous êtes coupables de trahison envers le Cercle, déclare-t-il à voix basse.

Ma mère s'énerve, commençant à paniquer, arguant qu'elle a juste voulu protéger sa fille. Murielle la fait taire en passant un bras autour de ses épaules.

- Trahison ? répète ma grand-mère, furieuse. Et ton gosse qui tente de s'en prendre à la Clé Pure, tu appelles ça comment ?

Hans blêmit un instant. Parfois, j'aime le don de voyance de ma grand-mère. A moins que ce ne soit Cynthia qui lui ait relaté la soirée chez Steward. Le grand manitou se ressaisit, tentant de se redonner une contenance :

- Reiner s'est mal conduit, mais lui, au moins, a su utiliser son pouvoir à bon escient ! Il a pu entendre Mallory dire d'elle-même qu'elle est la Néfaste.

Traître de Brückman ! Il nous a espionnés, camouflé ! Et je n'ai rien vu ! Quelle cruche ! Je suis vraiment dans la mouise, cette fois.

- Donnez-moi Mallory, et vous serez excusés. Je ne lui ferai aucun mal, vous le savez bien.

- Tu es cinglé, Hans ! s'exclame mon père.

- Ta gamine est dangereuse ! C'est une ado détraquée : si elle prend conscience de son pouvoir, elle peut provoquer un cataclysme ! Rends-toi compte !

Éric saute au cou de Hans, le plaque contre le mur du couloir en le soulevant par le col.

- Ma fille n'a rien de détraqué, articule-t-il, furieux.

Je ne peux empêcher les larmes de rouler sur mes joues. Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie. Une vraie peur. Un sentiment que je ne souhaite à personne : ne plus se sentir en sécurité, jusque dans sa propre maison. On ne joue plus : ma situation n'a jamais été aussi grave.

- Mallo ! murmure Cynthia. Viens.

Elle m'entraîne par le bras vers sa chambre. Elle me fait sortir sur son petit balcon. Je grelotte : je ne porte qu'un sweat et un jogging.

- Saute, me dit ma sœur. Tu tombes dans un tas de neige, et tu fonces chez Alex. Dépêche-toi !

- Mais je pourrais plutôt...

- Si tu te rends invisible, Hans le saura, il te trouvera quand même. Tu sais bien qu'il en a le pouvoir. Allez !

Je n'ai pas le temps de réfléchir, de répondre quelque chose, j'entends des pas monter les escaliers. Cynthia ferme la porte-fenêtre derrière moi, tire les rideaux et je l'entends refermer la porte de sa chambre, puis se remettre au lit. Je n'ai pas le choix. Je saute en me retenant de pousser un cri, une paume sur la bouche. Ce n'est pas si haut que ça en avait l'air. Je m'extirpe le plus vite possible de la congère dans laquelle je suis tombée, je cours jusque chez Legrand. Je passe par derrière, frappe comme une démente aux volets d'Alex. Au bout d'un moment qui me paraît bien trop long, il ouvre la fenêtre, bouffi de sommeil et les cheveux en bataille.

Les ClésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant