Les vacances s'étirent en longueur. Nina et Christopher étant partis, je n'ai pas d'amis à voir. Mon échappatoire réside dans ce journal intime, et dans les longues balades en pleine nature que je fais, accompagnée par mon Skipper, qui s'en donne à cœur joie.
Au moment où j'écris ces mots, ma famille s'est rendue à une réunion du Cercle. Je suis seule à la maison. Et je m'ennuie ferme. Je suis plus touchée que je ne le voudrais par l'indifférence de mes parents : ils sont partis à cette fichue assemblée, comme ça, en me jetant « à tout à l'heure ! », comme si je n'étais que la femme de ménage. Tout juste si on ne m'a pas dit « à propos, videz la poubelle et faites les carreaux ! » (Franchement, mes respects à tous les gens qui font ces métiers pénibles et essuient du mépris toute la journée).
Merde : j'ai sursauté, et mon stylo a dérapé ! A cause de la porte. En grognant, je m'arrache à mon cahier et ma couette, et me traîne jusqu'en bas. Rien à faire de mon jogging sans forme, de mon sweat-shirt trop grand. J'ouvre la porte, et je découvre Alex.
— Salut, me dit-il.
On le croirait un peu embarrassé. Et moi donc, vu ma tenue.
— J'ai vu que tu es restée toute seule chez toi et mon père bosse, là. Il a fait trop de bouffe, je me disais qu'on pourrait partager ?
J'arque un sourcil, étonnée. Il m'espionne, le type ? Finalement, je le laisse entrer. Que voulez-vous que je fasse d'autre ? Il investit la cuisine en clamant qu'il a la dalle, il jette son blouson sur une chaise et ouvre le micro-ondes. Attitude du mec qui savait qu'il ne se ferait pas rembarrer. Quel sans-gêne ! Encore un élevé chez les sangliers ! Blasée, je m'assois lourdement à table et je le regarde faire.
— Alors, me lance-t-il soudain, je peux te poser une question, Mélanie ?
— Mallory... soupiré-je.
— On dirait que tu ne peux pas me sentir. Non ? 'Fin je veux dire, les autres ont été super cool direct, mais alors toi... J'ai fait quelque chose qu'il ne fallait pas ?
Je tourne enfin les yeux vers lui, mal à l'aise, soudain, et vexée aussi. Lui, il semble content de lui, appuyé au plan de travail, les bras croisés. Effectivement, je le hais.
— Bof, lâché-je. Rien à voir avec toi, je n'aime pas grand-monde.
Avec ça, il aurait dû me lâcher la grappe. Mais non ! Il éclate de rire. Bon sang, mais quoi ? J'ai l'air d'un clown ? Je suis sûre que c'est encore un type qui ne supporte pas que le monde entier ne soit pas à ses pieds !
— Dommage, dit-il. Tu pourrais presque avoir l'air sympa, vue comme ça. Et tu as de jolies jambes, aussi.
Là je deviens écarlate, en songeant à la chute ridicule que j'ai fait dans les escaliers.
— Ouais, ben, pas toi ! répliqué-je lamentablement, en panne d'inspiration.
J'ai cependant été agressive dans le ton. Voilà qui devrait lui faire comprendre de retenir ses commentaires sur moi. Comme s'il était chez lui, il sort deux assiettes après que je lui aie indiqué le bon placard, et il sert les lasagnes réchauffées. Il s'installe à table en face de moi.
— Allez, parle-moi du lycée, exige-t-il. Il craint ou ça va ? Parce que vu le trou, ici...
Non, mais il se croit où, le gars ?! Oui, j'habite dans un trou paumé, moi aussi ça me soûle, mais il n'y a que moi qui ai le droit de le dire ! Sorti de sa bouche, ça me rend dingue :
— Eh ! fis-je, excédée. Le trou, c'est chez moi, ok ? Le lycée... repris-je, ben c'est un lycée. Avec des lycéens.
Il rigole à nouveau, puis s'empiffre. Je me force à manger aussi, pour ne pas avoir l'air d'une idiote devant mon assiette fumante.
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Les Clés
Paranormal« Ecris un journal, raconte ta vie, ça te fera du bien, nien nien nien ». D'accord, mais par où commencer ? Bon, je me lance, on verra bien ce que ça donne. Je m'appelle Mallory Dubois, j'ai dix-sept ans, et mon histoire n'a qu'un seul intérêt : ma...