Premier jour du reste de nos vies

1 0 0
                                    


            Un léger claquement de plancher me réveille. J'ouvre les yeux : Alex est debout et a effectué quelques pas vers la porte. Il me fait une petite grimace, pris en flagrant délit de fuite. Il a repris des couleurs et semble vraiment en meilleure forme que la veille. Je m'en réjouis.

— Je ne voulais pas te réveiller, s'excuse-t-il avant de m'embrasser.

Décidément, je ne suis encore pas habituée à ça ! J'en frissonne. Je me lève, me prépare un minimum et nous descendons ensemble à la cuisine après qu'Alex soit passé à la salle de bains de l'étage pour se rafraîchir la tête.

Cynthia et Tim nous saluent chaleureusement, mon petit frère saute même littéralement sur Alex. Murielle, Al et ma mère sont attablés devant un bon petit déjeuner, souriants. On croirait que tout a toujours été normal, ici, il ne reste plus aucune trace de la terrible soirée de la veille. Tout le monde se réjouit de voir Alexandre sur ses deux jambes. Le reste donne l'impression d'être un très mauvais rêve.

Soudain, nous rappelant à la réalité, nous voyons par la fenêtre arriver mon père et celui d'Alex. Ce dernier blêmit, alarmé à l'idée de ce que son vieux va lui dire. Il ne sait même pas bien depuis combien de temps ils ne se sont pas vus, il ignore ce qui a été dit ou non à Thierry ! La porte s'ouvre, et ils entrent. Éric l'a manifestement prévenu qu'Alex est « revenu », chez nous. Sans même dire quoi que ce soit à personne, Thierry lui saute au cou, le serre, un instant seulement, avant de le secouer par les épaules :

— T'étais où, nom de Dieu ?! s'écrie-t-il. J'ai crevé de trouille !

Alex bafouille quelque chose, son regard passe de son père à nous. Il ne peut décemment pas dire à son paternel qu'il a été tué, puis ressuscité ! De toute manière, il ne le croirait pas.

— Je suis parti sur un coup de tête, répond soudain Alex, d'une voix sourde. Je voulais te laisser tranquille, alors... j'ai logé chez un ami, en ville.

Thierry pâlit un peu plus.

— Tu pars comme ça, sans aucune affaire, sans un rond, sans voiture ? Tu te fous de moi ? Tu es complètement inconscient, ma parole ! T'avais tes papiers, au moins ?

Alex baisse les yeux, sans rien dire, comme d'habitude. Sa patience dépasse clairement la mienne ! Nous surprenant tous, cependant, Thierry le serre à nouveau.

— Ne me refais jamais un coup comme ça, petit con...

Il le relâche, et il soupire de soulagement. La tempête est passée, et c'était moins pire que ce que je craignais.

Mes parents invitent Thierry à prendre un café et se poser, pour le détendre un peu. Il se laisse lourdement tomber sur une chaise. Je sers un solide petit déjeuner à Alex, qui dévore tout ce qui lui passe sous le nez.

— Avec tout ça, grogne Thierry, les profs du lycée m'ont appelé, forcément... Qu'est-ce que je pouvais bien leur dire ? Mon fils majeur et vacciné s'est fait la malle ? Au début j'ai laissé couler en me disant que tu allais bien revenir de toi-même, mais j'ai posé un jour pour te chercher partout.

— Carrément ? s'inquiète Alexandre.

— Oh ça va, râle Thierry, un peu vexé par le sous-entendu. J'avais pas tellement la tête à bosser ! Je me suis tout imaginé, que c'était toi qu'on allait nous ramener sur un brancard !

— Tu exagères, dit Alex, en essayant d'être sarcastique.

— C'est ça, ouais... quand tu auras des mômes, tu comprendras ! Et d'abord, chez qui tu as logé, hein ? J'ai appelé tous tes camarades de lycée, même ceux de ton ancien bahut au cas où tu aies pris un bus jusque là-bas ! J'ai appelé ta mère, nom de Dieu !

Les ClésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant