Révélation néfaste

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     La porte de ma chambre s'ouvre, Tim et Cynthia entrent : elle porte un plateau chargé d'un bon petit déjeuner. Voilà deux jours que je suis au lit, malade comme un chien. D'après Murielle, c'est à cause de ma rencontre avec un Ange de la Désolation, qui a bien failli m'avoir. D'ailleurs, même si j'allais mieux, je n'aurais pas envie de sortir du lit. Ce que ce démon m'a jeté à la figure me travaille. Ma mère a eu beau tenter de me rassurer, en me disant qu'il mentait, rien à faire. C'est elle-même qu'elle essaye de rassurer. Sur mon cou reste la trace de la lame, sur laquelle j'ai appuyé fort, apparemment.

Cynthia pose le plateau sur ma table de chevet. Je grignote une tartine, mais j'ai peu d'appétit : Tim se charge de tout dévorer. Ma sœur est très attentionnée avec moi ces jours-ci. Génial, comme si j'avais besoin de ça. A cause de cet épisode désastreux, ma famille est concentrée sur moi et m'étouffe !

— On ne va pas tarder à partir à une réunion, m'annonce Cynthia. Je sais que ça ne va pas te plaire, mais maman est inquiète que tu restes seule, alors...

— Elle a appelé Alex ? raillé-je, mécontente.

Tim, la bouche pleine, me dévisage de ses beaux yeux clairs.

— Tu l'aimes pas ? me demande-t-il.

Je ne sais pas quoi répondre. Pourquoi est-ce que je le déteste, au fait ? Je ne le sais pas exactement, au fond. Peut-être parce qu'il représente le genre de personne que je ne serai jamais, le genre de mec que je n'aurai jamais. Parce que tout le monde l'adore, et qu'il est plus choyé et apprécié en quelques jours que moi en dix-sept ans ?

— Bof, marmonné-je.

— Moi, je l'adore ! réplique mon petit frère. Il va m'apprendre à surfer, à pécho et à fumer la chicha !

— Il ne fallait pas le dire ! s'esclaffe Alex en entrant à son tour.

Un peu de tranquillité, peut-être, d'intimité ? Non ? Bon, tant pis pour moi, faites comme chez vous, ce n'est que ma chambre, après tout.

— Comment tu vas ? me demande ce grand benêt.

— Ça allait bien, jusqu'à maintenant !

— Tu vois, fit-il à Tim, elle râle, c'est que ça va mieux !

A mon grand dam, mon frère éclate de rire, et confirme en lui frappant dans la main.

— Skip, appelé-je d'une voix calme.

Mon chien, allongé sur mes jambes, lève la tête.

— Attaque.

Le prédateur bondit sur Alexandre, qui quitte la chambre à toute vitesse, sous les rires de Tim : je n'ai jamais dressé mon chien à l'attaque, il ne ferait jamais de mal à personne, pour lui, ça tient du jeu, mais au moins, ça garde Alex éloigné quelques instants. Même Cynthia a été amusée. Comme chaque jour, elle utilise son pouvoir sur moi : il lui suffit de me tenir la main pour que je me sente mieux, comme si rien ne m'était arrivé. Mais ça ne dure jamais longtemps, malheureusement.

Au bout d'un moment, ils me laissent. J'entends la porte claquer, ils ont quitté la maison. Alex revient, suivi du chien, qui saute sur mon lit, la langue pendant de côté. Dans le miroir accroché en face de mon lit à la porte du placard, je peux voir que je suis blafarde, et je fais peur. Je me force à me lever, je vais prendre une douche, et je tente de m'arranger un peu. Quand je redescends, Alex est attablé à la cuisine, et il lit le journal.

— Alors comme ça tu sais lire ? lui envoyé-je.

— Qui l'eût cru, hein ?

Malgré moi, j'ai un sourire. Ce type ne se démonte jamais. Tandis que je fouille dans le frigo, Skipper se met à grogner, ses babines se retroussent en dévoilant ses crocs énormes.

Les ClésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant