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en la regardant ou lui parlant, j'ai vraiment cette impression de pouvoir mieux respirer. c'est étrange comme sensation, je sais pas si c'est un concours de circonstances ou si c'est vraiment elle qui arrive à me faire cet effet.

ça allait pas trop ce matin, je me suis embrouillé avec babcia parce que j'étais à la bourre et pas encore douché.

fin, je crois qu'elle gueulait surtout parce que je lui ai volé la clé de l'entrée cette nuit et que je suis rentré bien tard, sans prévenir personne. c'est surtout pour ça, la douche c'est obsolète en vrai.

elle a dit que je la décevais et que c'était pas une attitude de grand garçon, de cacher des choses et se mettre en danger en la mettant pas au courant d'où je traîne tard là night. elle a abusé, je le pense toujours.

à croire qu'être un grand garçon, ça passe par là uniquement. elles aiment trop ce mot-là pour me qualifier, les femmes de ma famille, mais ça veut pas dire grand chose dans le fond.

fin bon, entre l'altercation hier aprem, les doutes qu'elle cumule à mon égard et l'événement de ce matin, elle a matière à abuser aussi.

mais j'ai plus osé parler après. je suis sorti de l'appart avec l'envie de pleurer en lâchant aucun mot, zéro vannes.

mais j'ai versé zéro larmes non plus, un minimum de tenue. juste, je me traîne une boule dans la gorge depuis, c'est pas agréable de savoir que toutes mes actions l'ont irrité dès mon réveil.

j'espère qu'elle est pas réellement déçue de moi comme je le suis de moi-même, sinon, faudrait mieux que je rentre pas à l'appart soir-ce.

et puis là, j'ai seulement eu à intercepter le sourire mignon de sasha en entrant dans la salle de maths pour que le poids sur mes épaules paraisse moins lourd.

c'est fort, quand même. je bloque sur ça parce que d'habitude, personne arrive à apaiser un peu mes tensions sans raison. c'est inhabituel et louche mais ça me plaît bien que ça soit elle qui réussisse à faire ça, je crois.

je m'installe maintenant à côté de thomas en balançant lourdement mon eastpak sur la table. ça fait lever les yeux de la prof mais j'en ai rien à faire. je vais sortir mes feuilles volantes, mon stylo et personne va rien dire.

je suis malgré tout loin d'être d'humeur.

— t'as une calculette au moins ?

thomas pose toujours des questions rhétoriques, c'est fou. j'ai pas de souris, de surligneurs, de cahier avec une devanture, de crayon taillé et même pas mon carnet de liaison, mais j'aurais une calculatrice ?

— nan, ris-je

ça fait pas rire la prof en tout cas. y a qu'en français et en physique-chimie qu'on apprécie ma présence au final.

— tu vas en chercher une à la vie scolaire tout de suite. ça va finir par m'énerver tes oublies de matériels intempestifs, m'ordonne-t-elle

je commence à refuser en secouant la tête, par flemme de bouger de ma chaise et exécuter son semblant d'ordre.

— qui sont les délégués ? s'adresse-t-elle à la classe

bizarrement, j'ai bien envie de faire une petite marche matinale en descendant les deux étages, si ça implique ce duo-là. d'autant plus quand je vois bien sasha et mehdi lever leur main, lorsque je me tourne sur ma chaise. peu importe qui doit me seconder, je suis refait.

mais je continue mon numéro de mec saoulé en protestant sans bouger de ma place.

— très bien. sasha, tu l'accompagnes, s'il te plaît. il est pas question de te laisser glander dans les couloirs, mathieu.

SASHIMIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant