In Between

19. « Bitanem.»

THÉMIS

Le LENDEMAIN

Les mains enfoncées dans mes poches, le vent frais et matinal chatouillent mes rétines. La vue de haut y est resplendissante. Le toit plat est l'une des raisons pour lesquelles j'ai directement accroché avec cette maison lors des visites il y'a trois ans. Depuis, j'y suis de jour comme de nuit. Pour y contempler les étoiles tout comme les lueurs du lever du soleil. Delhya adore également ce spot. Ici, nous y préparions nos meilleurs pique-nique. Elle me manque tellement..

Un soupir long et lourd de sens s'emparant de ma gorge, les pensées troubles. Tout s'y bouscule. J'en ai même une migraine. La vérité c'est que l'unique responsable de ses pensées divergentes c'était elle. Gemma.

Hier j'ai foirer comme jamais auparavant. Comme cette fois. Comme toutes ces fois. Toutes ces fois où je me suis adonné à une promesse.  Quelconque elles soient, elles échouent.

Je ne saurais définir le sentiment qui m'avait envahi lorsque mon regard s'était abattu sur elle. Je ne saurais définir l'état de mes pensées autrement que par le trouble. Une peur viscérale, une angoisse lancinante s'était emparé de moi. Une peur, une angoisse que je n'avais pas ressenti depuis mon enfance.
Ce sang qui marquait ses cuisses. Une vision d'horreur. Un cauchemar, celui que j'avais créé. 
À l'instant où nos regards se sont croisés, à l'instant où j'ai franchi le seuil de la pièce, j'ai su que j'avais commis une erreur monumentale. Accroupi dans un coin de la chambre, elle frissonnait à tout son, à tout sifflement. J'avais réussi à récupérer les dossiers, mais elle en avait payé le prix...Fort.

Et parce qu'à cet instant je n'ai plus su réfléchir, je me suis approchée d'elle. Mais elle m'a repoussé. Elle m'a repoussé comme jamais auparavant on ne me l'avait fait. Le dégoût s'étant emparé de son visage. Les marques rouges sur son cou et sur ses bras témoignaient à ce moment de sa douleur.

Et si seulement, si seulement j'avais été en capacité de lui  ôter ces images de son esprit, cette douleur de son corps. Si j'avais pu effacer ces dernières heures. Je jure, je le jure sur tout ce que j'ai de plus cher que je l'aurais fait. Mais à défaut de pouvoir le faire, je suis resté à ses côtés. Incapable de la laisser seule. J'ai cherché tout moyen de rester éveillé. J'ai tourné en rond, fais les cents pas. Simplement pour ne pas la laisser à nouveau seule. Mes pensées me torturaient entre  parole vide de sens et ce regard, froid, en détresse, perdu qu'elle m'avait lancé. Le seul remède pour les faire taire aurait sans doute été le sommeil. Mais je devais rester avec elle, auprès d'elle. Pour ce calvaire que je lui ai infliger.

Puis, ça peut paraître stupide mais j'avais bien trop peur, peur qu'elle ne revive ce cauchemar dans ses rêves, alors j'étais attentif. Attentif à chacun de ses signaux. À chacun de ses frissonnements. Mais en vérité c'était bien la première fois que je la voyais si détendue, si paisible, si vulnérable. Et c'est bien ce qui m'a rassuré toute la nuit.

Ça et Nonna.

Nonna m'aide dans beaucoup de choses. Et si j'en suis là aujourd'hui c'est bien grâce à elle. Elle est en grande partie ma force. Et elle nourrit chaque jour ma motivation.

— Bitanem ? M'interroge une voix derrière moi. (Mon unique)

Un sourire un coin, je me retourne tandis qu'elle ajoute les mains encerclant un plateau.

— Bu sabah seni burada bulacağımı biliyordum. Ama... Bunun iyiye işaret olmadığını da biliyorum. ( Ce matin, je savais que je te trouverais ici. Mais... Je sais aussi que ce n'est pas bon signe.) Elle agite son menton d'un coup de tête en regardant le contenant de son plateau et ajoute. Kim 'bitanem' hasta diyor, 'bitanem' favori içeceğine ihtiyaç duyuyor diyor!
(Qui dit 'mon unique' est malade, dit 'mon unique' a besoin de sa boisson préférée ! )