Chapitre 6 : La Fête Foraine

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   Valínn

  Après une vingtaine de minutes de marche, nous arrivons enfin à ce qu'Eva a appelé la « fête foraine ». Quand nous passons sous l'arche illuminée servant d'entrée, je m'arrête net et ma bouche s'entre-baille de manière tout à fait ridicule. Jamais je n'ai vu une chose pareille. Des installations et des stands s'étendent devant moi à perte de vue, et mes yeux mettent quelques instants pour s'habituer aux centaines de guirlandes de toutes les couleurs. Des gens crient tout autour de moi, assis dans des wagons d'un petit train qui s'élance à toute vitesse sur des rails métalliques. Ma confusion et ma surprise doivent être assez flagrantes, puisque j'entends Eva rire doucement auprès de moi.

« Qu'est-ce qu'il y a de si amusant ? »

   Dis-je les sourcils froncés, qui ne font que masquer ma propre réjouissance.

« Je suppose que tu n'as jamais mis les pieds dans une fête foraine ? »

   Dit-elle en guise de réponse. 

« Allez viens » 

   Annonce-t-elle alors, me prenant par le bras et m'entraînant à travers les attractions avant que je ne puisse protester.

    Tandis que nous avançons, je tâche de prendre en compte chaque détail qui m'entoure : les vendeurs qui crient les prix de leurs « hot dogs » ou de leur « barbe à papa », les stands de tire où un grand nombre de personne s'affaire à éclater des ballons pour tenter de remporter une peluche. Malgré la singularité de ce paysage, je ne peux nier que je l'apprécie. J'ai passé mon enfance entouré de manoirs sombres et macabres, parsemés de gargouilles gothiques et remplis de grandes portes en bois noir gravé, et bien que je les trouve absolument sublimes, changer de vision ne me déplaît pas non plus. Alors je continue mon chemin avec un sourire idiot aux lèvres, et alors que je m'apprête à demander à Eva où nous nous dirigeons, elle m'arrête brusquement et déclare :

« Voilà la première attraction que nous allons faire »

    Je lève la tête et mon cœur rate un battement. Devant moi se tient un chemin de fer en forme de grand huit, soutenu par de grands poteaux métalliques et sur lequel s'ébranle un petit convoi d'où me parviennent des hurlements à mi-chemin entre la terreur et l'euphorie. Je ne laisse pas paraître la moindre trace d'appréhension sur mon visage et me place nonchalamment dans la file d'attente. Tandis que cette dernière diminue, je sens ma poitrine pulser de plus en plus vite et mon sang palpiter dans ma tempe. En m'asseyant dans le wagon, tous mes sens sont en alerte. Les secondes paraissent s'écouler comme des heures avant que nous ne nous élancions enfin vers l'avant. Le petit train accélère et je me fige à la vue de la boucle immense qui s'approche bien trop rapidement à mon goût. Très vite, je me retrouve la tête à l'envers, et tout le monde se met à crier, mais pas moi. Mon esprit est vide, mes yeux grands ouverts et je reste comme ça, raide comme un piquet, jusqu'à la fin du parcours.

Une fois sortis, Eva éclate de rire face à mon expression.

« Je vois que tu as passé un bon moment ! »

   S'exclame-t-elle ironiquement. En guise de réponse, je secoue vaguement la tête de gauche à droite, tandis qu'un mince rictus s'installe sur mes lèvres. Cela faisait longtemps que je n'avais pas fait face à autant de sensations.

   Sans crier garde, mon ventre émet un bruit fort. J'espère que mon amie ne l'a pas entendu, mais mes espoirs sont vains, puisqu'elle dit :

« Et si on allait manger quelque chose ? T'es plutôt hot dogs ou hamburgers ?

– Bonne idée ! Je meurs de fin. Je te laisse choisir notre repas, je n'ai jamais goûté ni l'un ni l'autre. »

    A mes mots, elle écarquille les yeux en grand, et c'est là que je me rends compte de mon erreur.

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