Chapitre 16

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Lénéris

J'ouvre les yeux. Les rêves confus qui ont animé ma courte nuit s'échappent de mon esprit. Je ne me souviens pas de suite où je me trouve. Je sens mon corps flotter dans un immense lit inconnu, ainsi qu'une odeur boisée planer dans l'air. Je me rappelle enfin être chez les Lorions, non sans amertume. Je soupire et me retourne dans les draps. Je n'avais aucune envie d'être là. J'aurais peut-être fait mine de me recoucher, si les éclats de voix qui résonnent dans le couloir devant ma chambre ne m'intimaient pas qu'il fallait se lever. Je sors donc du lit avec indolence. Je marche un peu dans la pièce ; mon grand pageot en bois sculpté se place au centre de la suite, affronté à un banc en velours noir. Il y a une belle coiffeuse, ainsi qu'une large commode, chacune embellie de dessins floraux gravés. Cette chambre est certainement somptueuse, mais je remarque bien assez rapidement qu'elle est également vide. Je ne me rappelle pas être partie de la zone neutre armée de lourds bagages, comme mes deux amis, mais j'espérais quand même retrouver mes vêtements de la veille. À la place, je risquais d'aller prendre le petit déjeuner à peine vêtue devant des inconnus. Je commence à m'inquiéter, quand on frappe à la porte. J'hésite un court temps à parvenir à l'huis dans cette tenue, et entrouvre légèrement les battants pour cacher ma gêne. La lumière or des chandeliers qui embrasent le couloir passe sur mon visage, mais je ne vois personne. Seulement un chariot marbré paré de fleurs de fer, aussi chargé d'un sac de voyage. En remarquant que d'autres bagages sont laissés devant les chambres de mes camarades, je tire le caisson dans ma propre suite. Assez intriguée, je ramasse le sac avec difficulté dû à sa lourdeur, et le dépose sur mon lit. L'intérieur est bien rangé : je retrouve ma tenue d'hier lavée, ainsi que de nouveaux vêtements à peu près à ma taille, qui ne sont autre que les combinaisons officielles des Lorions ; avec des sous-vêtements ainsi qu'une trousse de toilette, ce qui semble être un kit de tente et des armes blanches. Alors que j'examine une lame de métal, l'angoisse s'aiguise en moi en réalisant que je m'apprête vraiment à voler mon peuple, ma sœur. J'enfouis le couteau avec ma peur naissante au fond de mon bagage, et me décide à m'habiller. Par respect pour mes hôtes, je choisis un de leur haut. Peu convaincue par son aspect débraillé sur moi, je l'ajuste à ma stature et conclus la tenue avec mes propres vêtements. J'installe le sac sur mon dos qui ne manque pas de me scier les épaules au passage et sors dans le corridor. Un peu perdue, je suis soulagée de voir Aschta qui patiente devant ce qui semble être la chambre de Solonn. Je m'approche de lui, toujours avec sa noble posture et ses cheveux lustrés. Il me salut seulement d'un geste distant, que le verrous enclenché de portes qui s'ouvrent retentit derrière moi. Je me retourne, et découvre Eva et Valínn qui viennent de sortir de leur chambre à leur tour. Les deux se toisent sur un lourd silence. L'humaine accord une vive œillade à son ex-compagnon, qui semble l'inviter à la suivre, puis s'écarte d'une marche rapide, qui fait onduler l'air quand elle passe proche de nous. Les pas secs de la jeune-femme résonnent brièvement derrière son passage dans un tournant, puis le vampire s'engage à sa poursuite, sans oublier de nous adresser un sourire effacé en guise de bonjour.

« — Je me demande ce qu'ils ont, tous les deux. » Marmonne Aschta, l'air trop curieux à mon goût.

Je ne renchéris pas de suite, et suis son regard vers l'angle où les deux « amis » ont disparu.

« — Quoiqu'il en soit, cela ne nous regarde pas. » Rétorqué-je après plusieurs secondes.

Il me jète une œillade ennuyée, lui qui adore écouter les commérages, et la porte de Solonn s'ouvre enfin. Le rouquin parvient vêtu de l'uniforme des loups-garous, ses yeux vert bleuté pétillant de fierté.

« — Avec ça on peut dire que je fais partie de l'armée secrète des Lorions. » Se réjouit-il en désignant son costume.

Aschta le scrute en silence un bref instant.

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